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Centre d'arbitrage et de mйdiation de l'OMPI

 

Dйcision de la commission administrative

Société Vortex contre Association bnabil@cybercable.fr

Litige n° D2001-0803

 

1. Les parties

Le Requérant est la Société VORTEX, société française, 37 bis rue Greneta, 75002 Paris, France.

Le mandataire du Requérant est le Cabinet Vittoz représenté par Madame Pascale Mottet, 9 rue Scribe 75009, Paris, France.

Le Défendeur est l’Association <bnabil@cybercable.fr>, 4 rue du Chevaleret, 75013 Paris, France.

Le défendeur n’a pas institué de mandataire dans la présente procédure.

 

2. Nom de domaine et unité) d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <planete-rap.com>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est CORE, Internet Council of Registrars, World Trade Center II, 29 Route de Pré-bois, CH–1215, Genève, Suisse.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI (le Centre), le 18 juin 2001, par courrier électronique, et reçue sur support papier le 28 juin 2001.

Il a été accusé réception de la plainte le 19 juin 2001.

Le 21 juin 2001, une demande de vérification d’enregistrement a été envoyée et la réponse à cette demande a été reçue de l’unité d’enregistrement CORE le 25 juin 2001.

Le 25 juin 2001, le Centre a reçu par courrier électronique une plainte révisée. Il en a été accusé réception le même jour avec notification d’irrégularité concernant la langue.

Le 28 juin 2001, le Requérant a confirmé par courrier électronique le choix de la langue (français).

Le 2 juillet 2001, le respect des conditions de forme de la plainte a été vérifié et ladite plainte a été notifiée au Défendeur.

Le 21 juillet 2001, le Défendeur a fait parvenir sa réponse par courrier électronique.

Il a été accusé réception par le Centre au Défendeur de sa réponse le 26 juillet 2001.

Le 1er août 2001, le Centre a réclamé par courrier électronique au Défendeur les copies papier de sa réponse et le Défendeur a indiqué se trouver à l’étranger, précisant qu’il ferait parvenir les exemplaires à son retour, après le 15 août 2001.

L’Expert unique a accepté sa mission le 9 août 2001 et remis une déclaration d’impartialité et d’indépendance.

Le 9 août 2001, la nomination de la Commission administrative (la "Commission") a été notifiée aux parties et l’Expert a reçu le dossier le même jour par voie électronique.

Le 21 août 2001, l’Expert a reçu du Centre la copie papier du dossier, mais non pas les documents papier annoncés par le Défendeur.

Par application du paragraphe 15)a) des Règles d’application des principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (les "Règles"), la Commission statue sur la plainte, au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises (dossier électronique et dossier papier, à l’exception des pièces sous forme papier annoncées par le défendeur et non reçues au jour de la présente décision).

Le litige entre dans le champ d’application des Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (les "Principes directeurs") et la Commission est compétente pour arrêter une Décision. L’acte d’enregistrement par lequel le nom de domaine, objet de la plainte, a été enregistré implique l’acceptation des Principes directeurs.

Le nom de domaine a été enregistré le 1 mai 2000.

Dans la mesure où les parties sont toutes deux domiciliées en France, où le Requérant a rédigé sa plainte en français et où le Défendeur a exprimé sa réponse en français, la Commission, bien que le contrat d’enregistrement ait été conclu en anglais, décide, par application du paragraphe 11 des Règles, que la procédure doit être conduite en français.

La décision est rendue dans le délai expirant le 23 août 2001.

 

4. Les faits

La Société Vortex est titulaire de la marque française  :

"PLANETE RAP" , N° 96/625118 déposée le 13 mai 1996 pour désigner divers produits ou services des classes 35, 38 et 41 et notamment :

"Publicité radiophonique, télécommunications, diffusion d’émissions radiophoniques, transmission et diffusion d’images, de messages, d’informations par terminaux d’ordinateurs, par câble, par supports télématiques et au moyen de tout autre vecteur de télécommunications, production et/ou montage de programmes radiophoniques, organisation de concours et de jeux, enregistrement, reproduction des sons et des images"

La société Vortex exploite sous le nom SKYROCK une station de radio "SKYROCK" qui diffuse régulièrement depuis février 1997 une émission intitulée "PLANETE RAP" consacrée à la musique dite "rap".

Le Défendeur a enregistré le nom de domaine <planete-rap.com> le 1 mai 2000.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

La Société Vortex, Requérant, demande à la Commission administrative de rendre une décision ordonnant que le nom de domaine <planete-rap.com > lui soit transféré (paragraphe 3)b)x), des Règles).

Au soutien de sa plainte sur le fondement des paragraphes 4)a), 4)b) et 4)c) des Principes directeurs et paragraphe 3 des Règles, elle avance les arguments suivants.

Le nom de domaine enregistré par le Défendeur, <planete-rap.com>, est identique à la marque antérieure du Requérant, à l’exception de la présence, non pertinente, d’un tiret. Ce nom créerait immanquablement un risque de confusion avec la marque PLANETE RAP du requérant, notoirement connue pour désigner une émission radiophonique.

Le Défendeur aurait enregistré et utilisé commercialement le nom de domaine <planete-rap.com> de façon illégitime et de mauvaise foi, et a poursuivi cette exploitation après avoir eu connaissance du litige. Le défendeur ne pouvait ignorer l’existence de l’émission "PLANETE RAP" puisqu’il avait pris contact avec l’animateur de cette émission, comme en atteste un e-mail dans lequel le défendeur faisait part de son idée de "créer un site sur le Rap français afin de réunir la communauté Rap sur internet" et proposait un partenariat avec l’émission "PLANETE RAP".

Le Défendeur aurait cherché à vendre le nom de domaine <planete-rap.com> au requérant ou à des tiers, à titre onéreux, pour un prix excédant son coût direct et aurait tenté, de façon artificielle, de légitimer des droits ou un intérêt en déposant une marque PLANETE RAP au Maroc, après avoir eu connaissance de la réclamation du Requérant.

Toujours selon le Requérant, le Défendeur aurait poursuivi l’utilisation du site en connaissance de cause et organisé, depuis la réclamation du Requérant, un lien avec un site ‘www.alwatan.ma’, sans aucune relation avec le Rap. Le Défendeur entend détourner à des fins lucratives le public et les consommateurs en créant une confusion avec la marque notoire PLANETE RAP, pour des services identiques. Dans ces conditions, le Requérant ne peut exploiter sa marque et disposer d’un site en <.com>, ce qui est gênant en ce que PLANETE RAP s’adresse à un public jeune, familier d’internet et qui s’attend naturellement à retrouver des informations sur l’émission "PLANETE RAP" dans le réseau Internet ou sera, au moins, attiré par <planete-rap.com>, en pensant qu’il émane du Requérant et a un ien avec l’émission.

B. Défendeur

Le Défendeur, pour sa part, reconnaît avoir envoyé un e-mail au Requérant en lui proposant un partenariat, mais selon le défendeur, le requérant aurait caché la date et l’en-tête du mail. Le défendeur a reçu une réponse de SKYROCK, le 31 mai 2000, le félicitant de son projet sur lequel il a continué à travailler et ce n’est que plus de 9 mois après qu’il a été contacté par le mandataire du Requérant lui enjoignant de libérer le nom de domaine en cause. Le Défendeur soutient avoir refusé de vendre ce nom sur la demande qui lui aurait été faite par le mandataire du Requérant.

Le Défendeur indique que sur les conseils d’un juriste au Maroc, il a déposé la marque PLANETE RAP le 6 avril 2001, pour protéger son projet qui visait à créer une entreprise au Maroc et acquérir les noms de domaine <planeterap.ma> et <planete-rap.ma>. Le défendeur ajoute que la page d’accueil de son site ne renvoie pas sur le site ‘www.alwatan.ma’ et qu’il n’y a qu’une bannière de promotion, en partenariat avec une fondation marocaine. Le site litigieux <www.planete-rap.com> a été ouvert pendant un mois, en juin 2000, à titre expérimental et le Défendeur affirme ne pas entendre détourner les internautes à titre lucratif étant donné que le site est totalement gratuit et qu’il a bien indiqué sur le site, lorsqu’il était ouvert, qu’il n’y avait aucun lien avec l’émission de radio "PLANETE RAP" et que, de ce fait, il ne pouvait y avoir confusion ni contrefaçon.

Le Défendeur conclut en précisant qu’il n’a jamais eu l’intention de vendre ou de rétrocéder le site, et que le Requérant ne fait pas la preuve de sa mauvaise foi. Le Défendeur ajoute que le Requérant ne peut être gêné par la situation car ce dernier peut utiliser d’autres noms de domaine, tels <planeterap.fr> et <planete-rap.fr> qui "sont protégés par l’AFNIC, étant donné que la marque de SKYROCK est déposée pour la France".

Lapidairement, le défendeur réclame en conséquence le rejet de la prétention adverse et le droit d’exploiter le nom de domaine international <planete-rap.com>, dans le pays dont il est citoyen et dans lequel il détient la marque marocaine.

 

6. Discussion et conclusions

Le Requérant demande le transfert à son profit du nom de domaine <planete-rap.com>.

Le paragraphe 4)a) des Principes directeurs impose au Requérant de prouver contre le Défendeur cumulativement que :

(a) Son nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits;

(b) Il n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache;

(c) Son nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

Identité ou similarité

Le Requérant est titulaire depuis le 13 mai 1996 de la marque semi-figurative dont le nominal est "PLANETE RAP", en France, pour désigner notamment, les produits ou services des classes 35, 38 et 41 : "Publicité radiophonique, télécommunications, diffusion d’émissions radiophoniques, transmission et diffusion d’images, de messages, d’informations par terminaux d’ordinateurs, par câble, par supports télématiques et au moyen de tout autre vecteur de télécommunications, production et/ou montage de programmes radiophoniques, organisation de concours et de jeux, enregistrement, reproduction des sons et des images".

Le Défendeur a enregistré le 1 mai 2000 le nom de domaine <planete-rap.com>. Le site correspondant a été activé pendant un mois et ne l’est plus à ce jour.

En ce qui concerne les produits ou services désignés, la Commission constate qu’il y a stricte identité entre les services revendiqués dans la marque du Requérant du 13 mai 1996 et ceux auxquels font référence de manière directe, implicitement mais nécessairement, les noms de domaine, à savoir une activité de communication électronique. Il est par ailleurs relevé que la marque PLANETE RAP jouit, en France notamment, d’une réelle notoriété acquise dans le domaine de la communication en général, et pour désigner une émission de radio, en particulier, dont elle constituait, de surcroît, le titre au sens du droit d’auteur.

En ce qui concerne l’identité ou la similitude des signes eux-mêmes, (PLANETE RAP / PLANETE-RAP.COM), il sera tout d’abord estimé, conformément à nombre de décisions déjà rendues, que l’adjonction à un signe nominal de la séquence générique ".com" est inopérante et n’altère nullement la perception du signe objet dudit ajout.

Il en est de même du tiret séparant PLANETE de RAP, dans le nom de domaine en cause.

Dans ces conditions, la Commission estime que le nom de domaine déposé par le Défendeur est identique, et en toute hypothèse semblable au point de prêter à confusion, à la marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits.

Droit ou intérêt légitime du Défendeur quant au nom de domaine litigieux

Les éléments du dossier ne révèlent pas qu’avant d’avoir eu connaissance du litige le Défendeur ait utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou services ou fait des préparatifs sérieux à cet effet. Les éléments du dossier révèlent, au contraire, que le Défendeur connaissait parfaitement l’existence de la station de radio SKYROCK et de son émission intitulée "PLANETE RAP". Le Défendeur avait d’ailleurs écrit par e-mail à cette station de radio pour proposer un partenariat. Au moment où le nom de domaine a été déposé, le Défendeur ne détenait aucune autorisation de la part du titulaire de la marque de déposer à titre de nom de domaine un nom identique ou d’en user de quelque manière.

Par ailleurs, il n’apparaît pas que le défendeur ait été connu sous le nom de domaine considéré, même sans avoir acquis de droits sur une marque identique ou semblable.

Il n’apparaît pas davantage, comme cela sera revu ci-après, au titre de la notion de mauvaise foi, que le Défendeur ait fait un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention de détourner à des fins lucratives des consommateurs en créant une confusion.

Dans ces conditions, la Commission estime que le Défendeur n’avait aucun droit sur le nom de domaine en cause, ni aucun intérêt légitime qui s’y attache en ce que ce Défendeur ne bénéficie pas des circonstances, notamment indiquées paragraphe 4)c)i) à à iii) des Principes directeurs.

Enregistrement et utilisation de mauvaise foi

Les faits rappelés ci-dessus établissent que le Défendeur connaissait l’existence de l’émission notoirement connue en France "PLANETE RAP".

Il a eu l’idée de déposer le nom de domaine <planete-rap.com> et, lorsque le mandataire du requérant s’est rapproché du Défendeur (13 février 2001) pour protester de la situation et demander la rétrocession du nom, le Défendeur a déposé, au Maroc (6 avril 2001), une marque identique, pour désigner les mêmes produits ou services, ne pouvant ignorer que ce signe était déjà utilisé par VORTEX, pour l’émission de radio dont il s’agit. Malgré l’affirmation du Défendeur suggérant avoir effectué ce dépôt marocain aux fins de consolider ses droits sur le site en cause, il apparaît que la détention du nom de domaine en <.com>, à vocation mondiale, empêchait la communauté des internautes d’avoir accès par ce signe à des services pouvant être offerts par le Requérant.

La Commission estime qu’au jour du dépôt du nom de domaine par le défendeur, le 1 mai 2000, ledit Défendeur n’était pas de bonne foi en ce qu’il connaissait l’existence de ce signe "PLANETE RAP", ce qu’il a reconnu, signe approprié par le Requérant.

Le site correspondant a été ultérieurement ouvert pendant un temps et il importe peu qu’un lien ait ou non renvoyé à des sites autres ou qu’il ait été indiqué que ce site n’avait pas de relation avec l’émission "PLANETE RAP", alors que la communauté des internautes ne pouvait qu’être abusée par la confusion et, en recherchant <planete-rap.com>, aboutir sur le site du Défendeur.

Le fait, également, que le site ait été ultérieurement désactivé est sans conséquence sur la notion d’utilisation de mauvaise foi. Il a déjà été jugé à plusieurs reprises que la détention passive d’un nom de domaine peut constituer un usage de mauvaise foi. Par ailleurs, les éléments du dossier établissent que le Défendeur a l’intention de rouvrir son site, sous ce même nom de domaine, à destination peut-être d’un public marocain, mais de fait accessible, par le <.com>, à la communauté mondiale.

Il n’est pas clairement établi dans les éléments du dossier que le Défendeur ait enregistré le nom de domaine litigieux pour le vendre ou en tirer un profit spéculatif. Il Il apparaît, en revanche, à la Commission que les circonstances montrent que le Défendeur a enregistré le nom de domaine en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de la reprendre sous forme de nom de domaine, même si ce n’était pas dans une intention totalement dolosive (culpa lata dolo aequiparetur), et que le Défendeur est coutumier de pratiques semblables et peu correctes, pour avoir déposé au Maroc, une marque identique à la marque du Requérant, même si cette marque était disponible au Maroc, en raison du principe de l’indépendance territoriale des droits de propriété industrielle.

Il sera dit également qu’en utilisant le nom de domaine, le Défendeur tentait sciemment d’attirer, à des fins non désintéressées, même si le site "était gratuit", les utilisateurs d’Internet sur son site en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant, et même si le défendeur conteste, sans motif sérieux, ce dernier point.

En conséquence, la Commission constate, au vu de la teneur de la plainte, de la réponse du Défendeur et des documents produits, que l’enregistrement du nom de domaine <planete-rap.com> a été effectué de mauvaise foi au sens du paragraphe 4 des Principes directeurs et que le site, inactif aujourd’hui, n’empêche pas qu’il y ait un usage de mauvaise foi dudit nom de domaine.

La Commission administrative conclut que les divers éléments prévus au paragraphe 4a)i) à iii) des Principes directeurs sont cumulativement réunis.

 

7. Décision

Pour les raisons ci-dessus exposées, la Commission administrative décide que le Requérant a apporté la démonstration que le nom de domaine <planete-rap.com> est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à la marque sur laquelle le Requérant a des droits; que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine en cause ni aucun intérêt légitime qui s’y attache et qu’il a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.

En conséquence, conformément aux paragraphes 4i) des Principes directeurs et 15 des Règles, la Commission ordonne que l’enregistrement du nom de domaine <planete-rap.com> soit transféré au Requérant, la société VORTEX.

 


 

Professeur Christian Le Stanc
Expert Unique

Date: Le 22 août 2001

 

Источник информации: https://internet-law.ru/intlaw/udrp/2001/d2001-0803.html

 

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