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Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI

 

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Syndicat National des Moniteurs du Ski Français, Syndicat Local des Moniteurs de L’ESF de Megève contre Ski Megève

Litige n° D2004-0356

 

1. Les parties

Le requérant est Syndicat National des Moniteurs du Ski Français, Syndicat Local des Moniteurs de L’ESF de Megève, Meylan, France; Megève, France, représenté par Cabinet Germain & Maureau, France.

Le défendeur est Ski Megeve, C/O Monsieur Jean-Marc Duvillard, Demi Quartier, France, représenté par Alain Marter, France.

 

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <esf-megeve.com>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Nordnet.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par Syndicat National des Moniteurs du Ski Français , Syndicat Local des Moniteurs de L’ESF de Megève auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 13 mai 2004.

En date du 13 mai 2004, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Nordnet, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige en date du 13 mai 2004.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 25 mai 2004, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 14 juin 2004. Le défendeur a fait parvenir sa réponse le 10 juin 2004.

En date du 9 décembre 2004, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Martine Dehaut. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

 

4. Les faits

Le Syndicat National des Moniteurs du Ski Français (ci-après SNMSF) est titulaire des marques collectives suivantes :

ESF Ecole du Ski Français (semi-figurative) nº 1 260 329 du 8 février 1984, dûment renouvelée, et visant notamment des services d’éducation et de divertissement;

E.S.F. (dénomination) nº 1 725 190 du 9 octobre 1990, dûment renouvelée, et visant notamment des services d’éducation et de divertissement.

Les conditions d’utilisation de ces marques sont régies par un règlement d’exploitation, dont une copie a été annexée à la plainte. L’article 3 dudit règlement mentionne que “l’usage de cette marque (ESF) est réservé en France et à l’étranger au Syndicat, à son Groupement d’achat et à tous les Centres ou Ecoles du Ski Français dont la création aura été décidée, ou l’ouverture aura été autorisée ou renouvelée annuellement par tacite reconduction, par le Syndicat déposant et à toute personne morale dûment autorisée par le Syndicat (…). Seules les personnes ayant obtenu régulièrement l’autorisation écrite pourront utiliser la marque collective pour leurs services ou leurs produits, ou l’utiliser dans leurs actions de propagande”.

Le SNMSF autorise les Syndicats locaux à adopter des noms de domaine associant la marque ESF au nom de la commune où lesdits Syndicats sont implantés, la marque et la commune étant séparés par un tiret. Ainsi, ont été enregistrés par les Syndicats locaux correspondants les noms de domaine <esf-lesmenuires.com>, <esf-flaine.com>, ou <esf-alpedhuez.com>.

Monsieur Jean Marc Duvillard, contact administratif du défendeur SKI MEGEVE, est moniteur de ski et membre du Syndicat des monteurs de ski de Megève, l’ESF Megève.

Lors de la tenue d’une assemblée générale de l’ESF Megève, Monsieur Duvillard a présenté un projet de site Internet avec l’objectif d’améliorer le Site Internet préexistant. Dans cette optique, et préalablement à la tenue de cette assemblée, Monsieur Duvillard a procédé à l’enregistrement du nom de domaine litigieux <esf-megeve.com>, pour le compte de SKI Megève. Le projet de Monsieur Duvillard n’a pas été retenu.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, le requérant fait valoir les moyens de fait et de droit suivants :

Le Requérant estime en premier lieu que le nom de domaine litigieux, constitué de la juxtaposition de la marque ESF et d’une indication géographique, à savoir la commune de Megève, est similaire à ses marques ESF Ecole du Ski Français et E.S.F.

En second lieu, le Requérant estime que le Défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux, et rappelle à cet égard que l’article 3 du règlement d’usage de ses marques collectives précité, réserve l’usage de la marque ESF au SNMSF, à son Groupement d’achat et à ses Syndicats locaux.

Enfin, le Requérant estime que le nom de domaine <esf-megeve.com> a été enregistré et est exploité de mauvaise foi.

Concernant l’enregistrement de mauvaise foi, le SNMSF relève que Monsieur Duvillard, en sa qualité de moniteur de ski membre du Syndicat de Megève, ne pouvait ignorer qu’il n’était aucunement autorisé à enregistrer un nom de domaine reprenant la marque ESF. De même, Monsieur Duvillard a adopté sciemment la syntaxe utilisée par l’ensemble des Syndicats locaux pour l’enregistrement de leurs noms de domaine. Le Requérant précise que, ce faisant, Monsieur Duvillard souhaitait contraindre l’ESF Megève à adopter son projet de site Internet.

Concernant l’exploitation de mauvaise foi du site Internet “www.esf-megeve.com”, le Requérant souligne que la détention illégitime et en connaissance de cause dudit nom de domaine constitue en soi un usage de mauvaise foi. Préalablement à l’introduction de la plainte, la détention passive du nom de domaine litigieux a privé l’ESF Megève de la possibilité d’exploiter un nom de domaine identique, dans le choix de sa syntaxe, aux noms de domaines utilisés par les autres Syndicats locaux (et dont quelques illustrations ont été mentionnées dans l’exposé des faits). La redirection automatique du nom de domaine litigieux, depuis l’introduction de la présente plainte, vers le site exploité actuellement par l’ESF Megève, constitue selon le Requérant un aveu implicite de la nécessité de laisser ledit nom de domaine à la disposition de l’ESF Megève.

B. Défendeur

Dans sa brève réponse, le Défendeur mentionne émettre des réserves quand au bien-fondé des allégations du Requérant, sans toutefois apporter les précisions opportunes.

Le Défendeur affirme avoir réservé le nom de domaine litigieux “dans l’unique souci de préserver les seuls intérêts de l’ESF Megève”, et ne “s’oppose nullement” à ce que ce dernier soit transféré à l’ESF Megève.

 

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au requérant d’apporter la preuve que les trois conditions suivantes sont réunies cumulativement :

- le nom de domaine identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits,

- le défendeur ne dispose d’aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache,

- le nom de domaine est enregistré et utilisé de mauvaise foi.

La Commission administrative examine ci-après le bien fondé de l’argumentation du requérant sur ces trois points.

A titre liminaire, la Commission administrative note :

- Que bien que bien que le nom de domaine litigieux ait été enregistré au nom de SKI Megève, il ressort clairement des faits exposés ci-dessus que c’est au regard de Monsieur Jean-Marc Duvillard que doivent être appréciés les éléments de la présente plainte (à savoir concrètement l’absence d’intérêt légitime, et la prétendue mauvaise foie). En effet tout porte à croire, en l’absence d’indications contraires du Défendeur, que l’entité au nom de laquelle le nom de domaine litigieux a été enregistré, SKI Megève, n’a pas d’existence légale.

- Que le Défendeur ne s’oppose pas au transfert du nom de domaine litigieux.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

La similitude du nom de domaine <esf-megeve.com> avec les marques du Requérant, et notamment la marque E.S.F., est difficilement contestable. Le nom de domaine litigieux est uniquement constitué de la juxtaposition de la marque ESF, et du nom de la commune de Megève. L’internaute est d’autant plus susceptible d’associer le nom de domaine litigieux à la marque ESF, que la ville de Megève jouit d’une notoriété dans le domaine des sports alpins.

B. Droits ou légitimes intérêts

Le paragraphe 4(c) des Principes directeurs énumère de manière non-exhaustive un certain nombre de circonstances de nature à établir les droits ou l’intérêt légitime du défendeur sur le nom de domaine telles que :

(i) avant d’avoir eu connaissance du litige, le défendeur a utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des préparatifs sérieux à cet effet,

(ii) le défendeur (individu, entreprise ou autre organisation) est connu sous le nom de domaine considéré, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services, ou

(iii) le défendeur fait un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.

Dans sa réponse, le Défendeur n’invoque aucun droit ou intérêt légitime sur le nom ESF-Megève.

En dépit de sa qualité de moniteur de ski, membre du Syndicat local de l’ESF, Monsieur Duvillard n’était nullement autorisé à procéder à l’enregistrement du nom de domaine litigieux. Une telle réservation n’est en effet autorisée qu’aux syndicats locaux de l’ESF, conformément au règlement d’usage des marques ESF et ESF Ecole du Ski Français.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Selon le paragraphe 4(b) des Principes directeurs, la réalisation de l’une des circonstances suivantes est susceptible d’établir que le nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi :

(i) les faits montrent que le défendeur a enregistré ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais qu’il peut prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine,

(ii) le défendeur a enregistré le nom de domaine en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et est coutumier d’une telle pratique,

(iii) le défendeur a enregistré le nom de domaine essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent, ou

(iv) en utilisant ce nom de domaine, le défendeur a sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un espace Web ou autre site en ligne lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de son espace ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.

Le Défendeur a adopté en connaissance de cause une syntaxe identique à celle utilisée par certains Syndicats locaux du SNMSF, lors de la réservation de son nom de domaine. Ce faisant, Monsieur Duvillard disposait d’un moyen de pression pour faire adopter son projet de site Internet par l’ESF Megève. Or Monsieur Duvillard, en sa qualité de moniteur de ski membre de l’ESF Megève, n’ignorait pas que seule cette dernière était autorisée à déposer le nom de domaine <esf-megeve.com>, conformément au règlement d’usage des marques ESF du SNMSF.

Il convient en revanche de relativiser, en l’absence d’informations complémentaires, l’argumentation du Requérant relative à l’empêchement d’utiliser un nom de domaine identique, par sa syntaxe, aux noms de domaine utilisés par les autres syndicats locaux. La Commission administrative relève en effet qu’un certain nombre de Syndicats locaux ont enregistré des noms de domaine distincts, comme <lesaillons.com>, <esfsemnoz.com>, <esfcourchevel.com>, ou <2alpes-esf.com>. Il est toutefois peu contestable que le Défendeur a tenté d’attirer les utilisateurs d’Internet sur son site, en choisissant un nom de domaine dont la syntaxe est identique à celle déjà exploitée par un certain nombre de Syndicats locaux, en méconnaissance du règlement d’usage des marques du Requérant. Monsieur Duvillard ne disposait d’aucune autorisation du SNMSF pour enregistrer et exploiter un nom de domaine comprenant la marque ESF.

De ce fait la mauvaise foi du Défendeur est établie.

 

7. Décision

Le requérant ayant démontré :

- qu’il est titulaire de droits à titre de marque sur le sigle ESF,

- que le défendeur avait déposé, sans intérêt légitime, un nom de domaine reprenant la dite marque créant ainsi un risque de confusion quant à l’origine du nom en question et du site qui lui est associé,

- que l’usage en était fait de mauvaise foi en méconnaissance des règles d’usage de la marque collective du demandeur dont le défendeur ne pouvait ignorer l’existence,

La Commission Administrative, conformément aux paragraphes 4(i) des principes directeurs et 15 des Règles d’application, ordonne le transfert du nom de domaine <esf-megeve.com> auquel le défendeur a déclaré ne pas s’opposer.


  

Martine Dehaut
Expert Unique

Le 23 décembre 2004

 

Èñòî÷íèê èíôîðìàöèè: https://internet-law.ru/intlaw/udrp/2004/d2004-0356.html

 

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