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Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI

 

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Société Centrale de Crédit Maritime Mutuel contre Quentin Le Maguer

Litige n° D2004-0798

 

1. Les parties

La Requérante est la Société Centrale de Crédit Maritime Mutuel, située 24 Rue du Rocher, 75008 Paris, France, représentée par la SCP SALANS & ASSOCIES, France.

Le Défendeur est Quentin Le Maguer, 19 rue du Reclus, 56400 Auray, France.

 

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <credit-maritime.com>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est IHoldings.com Inc D/B/A DotRegistrar.com.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par la Société Centrale de Crédit Maritime Mutuel auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 1er octobre 2004.

En date du 1er octobre 2004, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, IHoldings.com, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par la Requérante.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 8 octobre 2004, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 28 octobre 2004. En date du 2 novembre 2004, le Centre notifiait le défaut du défendeur. Le défendeur a fait parvenir une réponse tardive le 4 novembre pour la version électronique et le 8 novembre 2004 pour la version papier.

En date du 12 novembre 2004, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Isabelle Leroux. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

 

4. Les faits

La Requérante est un établissement immatriculé le 23 novembre 1984. Elle est soumise aux dispositions de la loi n°75-628 du 11 juillet 1975, relative au crédit maritime mutuel, telles que figurant notamment par extraits dans le Code monétaire et financier.

L’usage de la dénomination “crédit maritime mutuel” est réglementé par l’Article 24 du décret n°76-1011 du 19 octobre 1976, qui prévoit que cette dénomination ne peut être utilisée que par les sociétés soumises aux dispositions de la loi n°75-628 : “l’emploi illicite de cette appellation ou de toute autre expression de nature à prêter à confusion avec celle-ci est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe”.

La dénomination sociale et le sigle de la Requérante sont : “SOCIETE CENTRALE DE CREDIT MARITIME MUTUEL”.

Elle ne dispose pas d’une marque enregistrée, mais indique que l’usage de la dénomination “Crédit Maritime Mutuel” est réservé à certaines entités se conformant à la réglementation et à la législation en vigueur.

La Requérante est titulaire des noms de domaine suivants : <creditmaritime.org> et <credit-maritime.fr> et exploite le site Internet qui leur est attaché.

Le Défendeur est une personne physique dénommée Monsieur Quentin Le Maguer.

Le Défendeur a enregistré le nom de domaine <credit-maritime.com> le 4 juin 2003, et renouvelé le 2 juin 2004.

Il est établi que le Défendeur a procédé à l’enregistrement de son nom de domaine auprès de Iholdings.Com Inc.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérante

La Requérante demande à la Commission administrative de rendre une décision ordonnant que le nom de domaine <credit-maritime.com> soit transféré à la Société Centrale De Crédit Maritime Mutuel.

Au soutien de sa plainte, sur le fondement du paragraphe 4.(a)(b)(c) des Principes directeurs et paragraphe 3 des Règles d’application, elle avance les arguments suivants :

Le nom de domaine <credit-maritime.com> est identique ou à tout le moins semblable au point de prêter à confusion avec la dénomination légale “CREDIT MARITIME MUTUEL” sur laquelle la Requérante revendique des droits du fait de la législation et de la réglementation susvisées.

Le nom de domaine contesté reprend la dénomination “Crédit Maritime” de sorte que le public ne peut qu’attribuer une origine commune à l’ensemble de ces signes.

La Requérante mentionne une ordonnance du Président du TGI de Lorient en date du 15 octobre 2002, et un arrêt de la Cour d’Appel de Rennes en date du 10 février 2004, rendus à l’encontre d’un membre de la famille du Défendeur, Monsieur Baptiste Le Maguer, qui avait enregistré le nom de domaine <credit-maritime.com>, que son utilisation constitue un trouble manifestement illicite et est “de nature à prêter à confusion avec la dénomination crédit maritime mutuel, légalement et réglementairement protégé”.

Le Défendeur n’exploite aucun établissement de crédit maritime mutuel conformément aux termes de l’Article L. 512-69 du Code monétaire et financier et n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache.

En effet, la Requérante n’a cédé ni concédé aucune licence au Défendeur sur l’usage de la dénomination “Crédit Maritime Mutuel” à titre de nom de domaine. Par ailleurs, il n’existe aucune relation commerciale de quelque nature que ce soit entre les parties en cause justifiant par le Défendeur de l’enregistrement du nom de domaine litigieux.

Le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

La Requérante est connue sur l’ensemble du littoral du territoire national, par conséquent le Défendeur ne pouvait pas ignorer l’existence de sa dénomination “SOCIETE CENTRALE DE CREDIT MARITIME MUTUEL”, qui désigne un établissement de crédit maritime. En effet, il habite à Auray, ville dans laquelle se trouve une Caisse Régionale du Crédit maritime mutuel.

Or le nom de domaine litigieux enregistré par le Défendeur ne renvoie vers aucun site Internet. Il correspondait, dans le cadre des contentieux susvisés, devant les juridictions de Lorient et de Rennes, à un site dont la page d’accueil représentait un canot échoué, comprenant le message “Bienvenue à bord” aux côtés d’une bouée de sauvetage. Suivait des textes faisant l’apologie du suicide sur un ton “humoristique”.

Le Défendeur a sciemment tenté d’attirer les utilisateurs de l’Internet sur un site Web lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la dénomination “SOCIETE CENTRALE DE CREDIT MARITIME MUTUEL” de la Requérante et en perturbant son activité commerciale. Dès lors, le public peut être amené à croire que le site Internet du Défendeur appartient à la Requérante.

B. Défendeur

Le Défendeur a présenté une défense tardive, dans laquelle il précise que le nom de domaine n’a pas été enregistré, à la suite de l’arrêt de la Cour d’Appel de Rennes, par la Requérante. Le Défendeur l’a réservé le 4 juin 2003, alors que le précédent enregistrement s’achevait le 20 décembre 2002.

Le Défendeur affirme n’avoir jamais eu l’intention de céder le nom de domaine <credit-maritime.com> et indique que “CREDIT MARITIME” n’est pas une marque française ni internationale.

 

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 15 (a) des Règles d’application des Principes directeurs prévoit que “la Commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément au Principe directeur aux présentes Règles et à tout Principe ou Règle de droit qu’elle juge applicable”.

Au demeurant, le paragraphe 4 (a) des Principes directeurs impose au requérant de prouver contre le défendeur cumulativement que :

A) son nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produit ou de service sur laquelle la Requérante a des droits;

B) il n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache;

C) son nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

En conséquence, il y a lieu de s’attacher à répondre à chacune des trois conditions prévues par le paragraphe 4 (a) des Principes directeurs.

La Requérante a établi se conformer à la réglementation applicable au crédit maritime mutuel tel que défini dans la loi n°75-628 du 11 juillet 1975, et le décret n° 76-1011 du 19 octobre 1976.

La Requérante ne démontre pas en revanche détenir des droits à titre de marque sur la dénomination “SOCIETE CENTRALE DE CREDIT MARITIME MUTUEL” ou encore sur la dénomination “CREDIT MARITIME”, seule, et ce notamment pour désigner des services bancaires et de crédit.

Elle affirme que “plus que le fruit d’un dépôt INPI, la protection dont bénéficie la dénomination ou la “marque” “Crédit maritime mutuel” résulte de la loi”.

Cependant, la Commission Administrative considère que les Principes directeurs, les Règles d’application et les Règles supplémentaires se réfèrent uniquement à un nom de domaine qui serait identique ou semblable au point de prêter à confusion avec une marque de produit ou de service sur laquelle la Requérante a des droits (cf. par exemple en matière de nom commercial les décisions OMPI Litige Nos. D2000-0025 SGS Société Générale de Surveillance S.A. v. Inspectorate, D2000-0859 Ahmanson Land Company v. Vince Curtis, D2003-0277 Sealite Pty Limited v. Carmanah Technologies, Inc.).

Elle ne peut pas “s’approprier” l' appellation « crédit mutuel maritime” sur laquelle elle ne dispose d’aucun monopole ou droit privatif, la lettre de l’Article 24 du décret n°76-1011 indiquant que “La dénomination de crédit maritime mutuel ne peut être utilisée que par les sociétés soumises aux dispositions des articles L. 512-68 à L. 512-84 du code monétaire et financier”.

En conséquence, toute entité, caisse de crédit distincte de la Requérante, peut exploiter librement la dénomination “crédit maritime mutuel” si elle respecte les termes des textes susmentionnés.

La Requérante ne communiquant donc dans sa plainte aucun élément établissant un droit de marque dont elle serait titulaire et permettant à la Commission Administrative d’examiner ses demandes, il est rappelé que la Commission Administrative ne dispose pas du pouvoir d’étendre le champ de la procédure administrative à des signes autres que des marques tel que cela est mentionné dans les Principes directeurs.

La condition selon laquelle le “nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits” n’est donc pas remplie, au regard des éléments qui sont rapportés et des pièces qui ont été versées aux débats.

Dans la mesure où (i) il ressort que la Requérante n’a aucun droit de propriété intellectuelle sur la dénomination “crédit maritime mutuel” et (ii) les trois conditions visées dans le préambule du point 6 de la présente décision sont cumulatives, il n’y a pas lieu d’analyser les droits ou intérêts légitimes potentiels du Défendeur et la bonne ou mauvaise foi de ce dernier.

En tout état de cause, la question de l’utilisation de l’appellation « crédit maritime mutuel » par le Défendeur devrait être traitée par l’entité en charge de son contrôle.

 

7. Décision

Au regard des faits et circonstances susvisés, la Commission Administrative décide que la Requérante n’établit pas être titulaire d’une marque de produit ou de service, régulièrement déposée et enregistrée, seul droit pouvant fonder la présente procédure, conformément au paragraphe 4 (a) des Principes directeurs. En conséquence, la Commission Administrative décide de ne pas transférer le nom de domaine <credit-maritime.com> à la Société Centrale De Crédit Maritime Mutuel.


Isabelle Leroux
Expert Unique

Le 24 novembre 2004

 

Èñòî÷íèê èíôîðìàöèè: https://internet-law.ru/intlaw/udrp/2004/d2004-0798.html

 

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