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Centre d'arbitrage et de mйdiation de l'OMPI

DЙCISION DE L’EXPERT

Artcurial contre Kangaroo

Litige n° DFR2004-0004

1. Les parties

Le Requйrant est la sociйtй franзaise Artcurial, Paris, France, reprйsentйe par Meyer & Partenaires, conseils en propriйtй industrielle, Strasbourg, France.

Le Dйfendeur est la sociйtй franзaise Kangaroo, Paris, France.

2. Nom de domaine et prestataire internet

Le nom de domaine contestй est <artcurial.fr>, enregistrй le 20 mai 2004.

Le prestataire Internet auprиs duquel le nom de domaine a йtй enregistrй est Amen France.

3. Rappel de la procйdure

La plainte du Requйrant, rйgie par le Rиglement sur la procйdure alternative de rйsolution de litiges (PARL) du ‘.fr’ et du ‘.re’ par dйcision technique, ci-aprиs Le Rиglement, a йtй reзue par le Centre le 2 dйcembre 2004.

Elle a йtй notifiйe par le Centre au Dйfendeur le 8 dйcembre 2004 par messagerie йlectronique, tйlйcopie et par poste/messagerie.

L’Association Franзaise pour le Nommage Internet en Coopйration, ci-aprиs L’AFNIC, a confirmй l’ensemble des donnйes relatives au nom de domaine litigieux le 7 dйcembre 2004.

Le Dйfendeur a adressй sa rйponse le 27 dйcembre 2004, dans le dйlai qui lui йtait imparti. Le Dйfendeur a adressй une communication complйmentaire au Centre, le 10 janvier 2005.

L’expert йtait dйsignй par le Centre le 11 janvier 2005. L’expert constate qu’il a йtй nommй conformйment au Rиglement. L’expert a adressй au Centre une dйclaration d’acceptation et une dйclaration d’impartialitй et d’indйpendance, conformйment а l’article 4 du Rиglement.

4. Recevabilitй des observations du Dйfendeur en date du 10 janvier 2005

De nouvelles observations du Dйfendeur sont parvenues au Centre le 10 janvier 2005, en dehors du dйlai de 20 jours civils prйvu au Rиglement.

Rien ne s’oppose cependant а la prise en compte de ces observations, dans la mesure oщ elles viennent exclusivement modifier un point spйcifique des observations prйcйdemment dйposйes le 27 dйcembre 2004, а savoir que le Dйfendeur s’engage а transfйrer le nom de domaine litigieux, en cas de dйcision dйfavorable а ses intйrкts, dans un dйlai de 48 heures а compter de la dйcision de l’Expert, et non plus а date fixe.

Admettre la recevabilitй de telles observations relиve du pouvoir discrйtionnaire de l’Expert, conformйment aux dispositions de l’article 17 du Rиglement, et ne nuit en aucun cas aux intйrкts du Requйrant.

5. Confidentialitй des informations relatives au Dйfendeur

Dans ses observations initiales du 27 dйcembre 2004, le Dйfendeur demande que soit prйservйe la confidentialitй de ses coordonnйes. Concrиtement, le Dйfendeur demande а l’Expert d’interdire toute communication, des coordonnйes de sa sociйtй, а savoir sa dйnomination sociale et l’identitй de son gйrant, toute rйfйrence а ces derniers ne devant кtre effectuйe qu’au travers de leurs initiales. Le Dйfendeur estime en effet que la procйdure PARL par dйcision technique doit rester confidentielle. Le Dйfendeur se rйserve le droit de demander rйparation de son prйjudice, auprиs des tribunaux compйtents, en cas de non respect de cette “clause de confidentialitй”. En droit, le Dйfendeur fonde sa demande sur les articles 30 (“Confidentialitй”) et 32 (“Donnйes personnelles”) de la Charte de nommage de l’Association Franзaise pour le Nommage Internet en Coopйration (AFNIC), ci aprиs la Charte..

La pratique dans les dйcisions .fr est de nommer le nom et la ville oщ sont йtablies les parties. Dans des circonstances spйcifiques, l’expert a toutefois la possibilitй de divulguer des coordonnйes additionnelles.

Ces coordonnйes, а savoir le nom du titulaire du nom de domaine, et son contact administratif, sont d’ores et dйjа accessibles au public via la base de donnйes Whois.

Le Dйfendeur ne saurait se prйvaloir d’une prйtendue “clause de confidentialitй”, en vertu des articles 30 et 32 de la Charte, dont une lecture combinйe confirme, au contraire, que les donnйes fondamentales relatives notamment au titulaire du nom de domaine doivent кtre accessibles, et ce qui plus est dans l’hypothиse de la mise en œuvre d’une procйdure PARL par dйcision technique.

En rйservant le nom de domaine litigieux, le Dйfendeur est rйputй avoir pris connaissance de la Charte, et en avoir acceptй sans rйserve l’ensemble des dispositions. Le Dйfendeur est en consйquence mal fondй а exiger, а ce stade, la confidentialitй de ses coordonnйes.

L’article 19 de la Charte prйcise en outre que le demandeur du nom de domaine est seul responsable des termes qu’il choisit а titre de nom de domaine. A cet йgard l’Expert note que le Dйfendeur ne saurait, le cas йchйant, pallier les effets nйgatifs d’une dйcision dйfavorable а ses intйrкts en tentant d’occulter ses coordonnйes. La connaissance de dйcisions impliquant le dйfendeur ou de noms de domaine enregistrйs а son nom peut en effet constituer des donnйes pertinentes et importantes pour les titulaires de droits.

L’article 21 alinйa b du Rиglement stipule certes que “toutes les dйcisions prises selon le prйsent rиglement sont publiйes intйgralement sur le site Web du Centre, sauf si l’expert exclut exceptionnellement de la publication des passages de sa dйcision”. l’Expert dispose, en vertu de cette disposition, de la facultй d’exclure а titre exceptionnel la publication de certains passages de la dйcision. L’expert dйcide ici de simplement suivre la pratique instituйe.

6. Confidentialitй de certains йlйments de faits

Le Requйrant йvoque dans sa plainte les liens prйsumйs existant entre l’enseigne “Cash Express” et le Dйfendeur, ou а tout le moins son contact administratif Monsieur Guillaume Sicard.

Dans ses observations, le Dйfendeur expose qu’il n’a aucun lien avec l’enseigne Cash Express, et exige dиs lors que le nom de cette enseigne ne soit pas mentionnй dans la dйcision, ou soit а tout le moins remplacй par la mention “X”.

Nйanmoins, dans la mesure oщ toute rйfйrence а l’enseigne “Cash Express” est objectivement nйcessaire а la description des faits, sans qu’il ne soit justifiй d’en prйserver la confidentialitй, la requкte du Dйfendeur sur ce point doit йgalement кtre rejetйe. L’Expert note au surplus que le Dйfendeur apparaоt кtre titulaire du nom de domaine <cashexpress.fr>.

7. Description des faits

Le Requйrant, Artcurial, intervient essentiellement dans le domaine de la promotion et de la commercialisation d’œuvres d’art contemporain, et ce depuis les annйes 70. Concrиtement, les activitйs de cette sociйtй, et des sociйtйs qui lui sont liйes, sont scindйes en librairie d’art, bibliothиque d’art, vente aux enchиres d’œuvres d’art, organisation d’exposition d’œuvres d’art, notamment par le biais du site Internet “www.artcurial.com”.

Le vocable Artcurial constitue la dйnomination sociale, le nom commercial et l’enseigne du Requйrant. Ce dernier dispose en outre de nombreux enregistrements de marque portant sur la dйnomination Artcurial, tant en France qu’а l’йtranger.

En particulier, le Requйrant justifie кtre titulaire des marques franзaises suivantes, dыment renouvelйes :

- Artcurial nє 8911302 du 21 dйcembre 1973 et nє 175031 du 14 juin 1974, renouvelйes conjointement sous le numйro 1 261 066 pour la derniиre fois le 21 dйcembre 2003;

- Artcurial nє 00 3 010 712 du 24 fйvrier 2000.

Le Requйrant justifie йgalement кtre titulaire des noms de domaine “www.artcurial.com” et “www.artcurial.net”, enregistrйs les 21 octobre 1996 et 16 octobre 2002, respectivement.

Le Dйfendeur, SARL Kangaroo a pour objet social l’exploitation d’un fonds de commerce d’achat et vente de tous objets d’occasion. Aux dires du Dйfendeur, son activitй est essentiellement tournйe vers les produits йlectroniques de grande consommation.

Le Dйfendeur a rйservй le nom de domaine litigieux le 20 mai 2004. Ce site est demeurй inactif jusqu’au 25 juillet 2004.

Le Dйfendeur a adressй а trois associйs de la sociйtй de vente aux enchиres Artcurial, le 1 juillet 2004, une proposition de cession du nom de domaine “www.artcurial.fr”, pour un montant de 350 euros. Cette proposition est demeurйe sans rйponse.

Le Requйrant, ayant constatй que le nom de domaine <artcurial.fr> renvoyait vers une page de parking du courtier en ligne Sedo, dans lequel il йtait mis en vente pour un montant minimum de 110 euros a, par courrier en date du 8 septembre 2004, informй le Dйfendeur de l’existence de ses droits sur le signe Artcurial, et mis en demeure ce dernier de le lui transfйrer а titre gratuit.

Par courrier du 17 septembre 2004, le Dйfendeur a rejetй toute cession а titre gratuit du nom de domaine litigieux, et a annoncй son intention de rйsoudre ce dйsaccord par le biais d’une procйdure PARL par recommandation en ligne (CMAP).

Le 21 septembre 2004, le Requйrant a constatй une modification du contenu du site “www.artcurial.fr”, ce dernier ayant йtй activй avec deux pages en construction, dont une mentionnait que le nom de domaine <artcurial.fr> йtait а vendre sur le site du courtier en ligne “www.sedo.fr”.

Le Requйrant a refusй de se soumettre а une procйdure PARL par recommandation en ligne, et a prйfйrй opter pour la prйsente procйdure contraignante de type PARL par dйcision technique.

8. Arguments des parties

L’essentiel des arguments des parties est rйsumй ci-aprиs.

A. Le Requйrant

Le Requйrant rappelle l’existence de ses droits anciens sur le vocable Artcurial, notamment а titre de marque et de dйnomination sociale. Le Requйrant fait valoir que sa marque jouit d’une importante notoriйtй, comme le confirme une interrogation du moteur de recherche Google France, qui relиve de trиs nombreuses rйfйrences au terme Artcurial, dont la quasi-totalitй concernent les activitйs de celui-ci.

Le Requйrant estime que l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine <artcurial.fr> par le demandeur constituent une atteinte aux droits susvisйs, et ont йtй effectuйs de mauvaise foi.

Enregistrement du nom de domaine litigieux :

Le Requйrant note que le nom de domaine litigieux est une copie servile de ses marques, et que le Dйfendeur n’a aucun droit sur ce vocable.

Le Requйrant indique que le Dйfendeur, йgalement titulaire du nom de domaine <martineaubry.com>, n’ignore nullement la problйmatique liйe а l’enregistrement comme nom de domaine d’une marque connue. En effet des йchanges d’informations ont eu lieu sur un forum du prestataire de service Amen, en juillet 2004, concernant les consйquences de la libйralisation du “.fr” sur la rйservation, par des tiers, de marques connues du grand public, et n’ayant rien а voir avec leur nom commercial ou objet social. Monsieur Guillaume Sicart, auteur de plusieurs messages sur ce forum de discussion, a notamment envisagй le risque liй а d’йventuelles rйclamations et procиs de la part des titulaires des droits. Monsieur Sicart a йgalement effectuй quelques rйflexions sur le montant que les titulaires lйgitimes seraient prкts а dйbourser pour le rachat des nom s de domaine rйservйs par les tiers, en renonзant а tout contentieux.

Le Requйrant indique que le Dйfendeur est йgalement titulaire du nom de domaine <cashexpress.fr>, et que la sociйtй Kangaroo appartient au rйseau de franchise du mкme nom, dont l’activitй s’йtend notamment а la vente d’objets de dйcoration, d’antiquitйs, ou d’objets de collection. A ce titre le Dйfendeur ne pouvait ignorer l’existence des activitйs d’Artcurial, au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux.

L’absence d’enregistrement du nom de domaine <artcurial.fr>, prйalablement а la libйralisation des noms de domaine en “.fr”, le 11 mai 2004, ne saurait кtre assimilйe а une renonciation tacite de ses droits par le Requйrant. Il appartenait au Dйfendeur de s’assurer de l’absence de droits de tiers sur la dйnomination Artcurial, au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux, conformйment а l’article 19 de la Charte

Utilisation du nom de domaine litigieux

Dans ses йcritures, le Requйrant fait valoir que l’utilisation du nom de domaine litigieux est rйalisйe en violation de ses droits, et ce pour les deux motifs suivants :

D’une part, le nom de domaine est mis en vente а un prix “excйdent considйrablement les frais engendrйs par son enregistrement”.

D’autre part, le nom de domaine incriminй a contenu, pendant au moins plusieurs semaines, des liens hypertextes dirigeants les internautes vers les sites de concurrents de la sociйtй Artcurial.

Le Requйrant demande en consйquence le transfert du nom de domaine “www.artcurial.fr” а son profit.

B. Le Dйfendeur

Dans sa rйponse trиs dйtaillйe en date du 27 dйcembre 2004, le Dйfendeur a contestй l’exactitude de certains des faits dйcrits par le Requйrant, et le bien fondй, en droit, de la plainte. Ces observations ont йtй complйtйes par un courrier en date du 10 janvier 2005, qui est pris en compte comme rappelй ci-dessus.

En substance, le Dйfendeur tire l’essentiel de son argumentation des moyens suivants :

A compter du 11 mai 2004, l’AFNIC a libйralisй les enregistrements de noms de domaine en “.fr”, ce qui implique une “abrogation du droit au nom”, au profit du principe de “premier arrivй, premier servi”. Ainsi, les personnes identifiables peuvent enregistrer le nom de domaine de leur choix.

S’il est certain que le Requйrant dispose de “certains” droits sur le vocable “Artcurial”, ces droits ne s’йtendent pas а l’ensemble des produits et services de la classification internationale. Ainsi, toujours selon le Dйfendeur, le terme Artcurial serait “totalement libre de droits dans 29 classes”. De mкme, tout au plus, l’йventuelle notoriйtй de la marque Artcurial est circonscrite au domaine d’activitй du Requйrant.

Le Requйrant a montrй n’avoir aucun intйrкt sur le nom de domaine litigieux, ayant renoncй а l’enregistrer avant la libйralisation du “.fr”.

Le Requйrant ne peut lйgitiment pas prйtendre dйtenir des droits sur le nom de domaine litigieux, tout en refusant de se soumettre а une procйdure PARL par recommandation en ligne .

L’utilisation effectuйe du site “www.artcurial.fr” n’a en aucun cas impliquй d’activitй concurrente de celle de la sociйtй Artcurial.

Le Dйfendeur nie кtre l’auteur des messages йcrits sur des forums d’Internet et citйs par le Requйrant, son ou ses auteurs pouvant кtre des homonymes.

En l’espиce il n’y a pas contrefaзon des marques Artcurial du Requйrant, au sens des articles L 713-2 et L 713-3 du Code de la Propriйtй Intellectuelle, dиs lors que le nom de domaine litigieux est enregistrй abstraction faite de toute dйsignation de produits ou services.

Le Dйfendeur invoque йgalement а son profit l’article L 713-6 du Code de la Propriйtй Intellectuelle, au terme duquel l’enregistrement d’une marque ne ferait pas obstacle а l’utilisation du mкme signe, lorsque cette utilisation est antйrieure audit enregistrement.

Enfin, le Dйfendeur invoque la dйchйance des droits du Requйrant sur le nom de domaine litigieux en vertu de l’article L 714-5 du Code de la Propriйtй Intellectuelle, puisqu’il n’a pas jugй utile de le rйserver, comme il aurait pu le faire et ce depuis plus de cinq ans.

Pour l’ensemble des ces motifs, le Dйfendeur demande le rejet de la plainte.

9. Discussion

A titre liminaire, il convient de rappeler que le recours а une procйdure de type PARL par recommandation en ligne nйcessite l’accord des deux parties, tant pour initier la procйdure que pour mettre en œuvre les recommandations du tiers aviseur. Le Requйrant n’est aucunement tenu de justifier de son refus de recourir, en l’espиce, а une procйdure PARL par recommandation en ligne.

Conformйment aux dispositions de l’article 20 (c) du Rиglement, “L’expert fait droit а la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le dйfendeur constitue une atteinte aux droits des tiers telle que dйfinie а l’article 1 du prйsent rиglement et au sein de la Charte et, si la mesure de rйparation demandйe est la transmission du nom de domaine, lorsque le requйrant a justifiй de ses droits sur l’йlйment objet de ladite atteinte et sous rйserve de sa conformitй avec la Charte”.

En application de cette disposition, Il appartient en premier lieu а l’expert de dйterminer si, au regard du droit franзais, l’enregistrement ou l’usage du nom de domaine “www.artcurial.fr” porte atteinte aux droits du Requйrant. En second lieu, la mesure de rйparation demandйe йtant le transfert du nom de domaine litigieux, l’expert doit s’assurer de l’existence des droits du Requйrant sur l’йlйment objet de la plainte, en l’espиce le vocable Artcurial.

A) Atteinte aux droits du Requйrant

Tant l’article 1 du Rиglement que l’article 19.1) de la Charte dйfinissent de maniиre non exhaustive l’atteinte aux “droits des tiers” comme une atteinte

- A la propriйtй intellectuelle (propriйtй littйraire et artistique et/ou propriйtй industrielle);

- Aux rиgles de la concurrence et du comportement loyal en matiиre commerciale;

- Au droit au nom, au prйnom ou au pseudonyme d’une personne.

En l’espиce, le Requйrant invoque une atteinte а un droit de propriйtй industrielle, ainsi qu’une atteinte aux rиgles de la concurrence et au comportement loyal en matiиre commerciale (comportement auquel il se rйfиre par ses rйfйrences а la prйtendue mauvaise foi du Dйfendeur).

i) Atteinte aux droits de propriйtй industrielle du Requйrant

Le Dйfendeur ne conteste pas l’existence de droits du Requйrant sur le vocable Artcurial, а notamment а titre de marque.

Le nom de domaine enregistrй est identique aux marques Artcurial du Requйrant.

En vertu des dispositions des articles L 713-2 et L 713-3 du Code de la Propriйtй Intellectuelle, une йventuelle contrefaзon des droits de marque du Requйrant suppose, outre la reproduction ou l’imitation de la marque antйrieure, son utilisation en liaison avec des produits ou des services identiques ou similaires.

Tel qu’il a йtй rappelй dans la Dйcision OMPI No. DFR2004-0001, Euroinformation contre Skiwebcenter, et conformйment а la jurisprudence franзaise actuelle, la seule rйservation d’un nom de domaine est neutre et ne constitue pas un acte de contrefaзon.

En l’espиce, le Dйfendeur n’ayant effectuй aucune utilisation active particuliиre de ce nom sauf а le proposer а la vente, jusqu’au dйpфt de la plainte, du nom de domaine <artcurial.fr>, l’utilisation de ce dernier ne constitue pas non plus une contrefaзon des marques Artcurial du Requйrant.

Puisque les liens – supposйs ou avйrйs - du Dйfendeur avec l’enseigne cash Express, dont l’activitй s’йtend notamment а la commercialisation d’antiquitйs, n’a pas d’incidence sur l’apprйciation effectuйe, et en vue des conclusions ci-dessous, l’expert ne se penchera sur cette question dans le cadre de cette affaire

ii) Atteinte aux rиgles de la concurrence et du comportement loyal en matiиre commerciale

Les documents versйs par le Requйrant montrent que la dйnomination sociale et les marques Artcurial, exploitйes depuis le dйbut des annйes 70 dans le domaine de la diffusion de l’art, jouissent indйniablement d’une renommйe. Le nombre de rйsultats obtenus suite а une interrogation du moteur de recherche Google, sur le terme Artcurial, est а cet йgard йloquent.

Cette renommйe n’est vraisemblablement pas йtrangиre а l’adoption d’un nom de domaine identique par le Dйfendeur, dont l’Expert note qu’il n’a pas йtй en mesure de fournir d’explication plausible quant au choix de ce vocable. Le Dйfendeur n’invoque en effet aucun droit lйgitime, de quelque nature que ce soit, sur le nom Artcurial, de maniиre а justifier la rйservation de celui-ci а titre de nom de domaine.

Il va de soi que les arguments exposйs par le Dйfendeur, pour justifier de l’adoption du nom de domaine <artcurial.fr> relиvent, а tout le moins, d’une interprйtation erronйe des dispositions de la Charte et du Code de la Propriйtй Intellectuelle.

En effet, la libйralisation des noms de domaine en “.fr” а compter du 11 mai 2004 n’a aucunement eu pour effet de permettre а quiconque de porter impunйment atteinte aux droits des tiers, ou de sanctionner les titulaires de droit n’ayant pas encore, а cette date, enregistrй comme nom de domaine les marques et autres signes sur lesquels ils dйtiennent des droits. Les titulaires de droits n’ont en aucun cas une quelconque obligation d’effectuer des enregistrements de nom de domaine sous l’extension “.fr”.

En d’autres termes, l’absence d’enregistrement en “.fr” d’un signe, quelle que soit sa nature, ne peut кtre assimilйe а une renonciation, mкme tacite, de son titulaire а ses droits.

De mкme, le Dйfendeur ne saurait tirer profit de la circonstance selon laquelle les marques Artcurial ne sont pas enregistrйes pour l’ensemble des classes de la Classification de Nice, cet йlйment йtant absolument inopйrant dans l’apprйciation d’un йventuel abus de droit.

Par ailleurs, le Dйfendeur ne saurait invoquer les dispositions de l’article L 713-6 a) du Code de la Propriйtй Intellectuelle, au terme duquel “l’enregistrement d’une marque ne fait pas obstacle а l’utilisation du mкme signe ou d’un signe similaire comme : dйnomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est soit antйrieure а l’enregistrement, soit le fait d’un tiers de bonne foi employant son nom patronymique”. Mкme en considйrant que cette disposition est transposable а l’utilisation d’une marque а titre de nom de domaine, force est de constater que le nom de domaine litigieux a йtй enregistrй aprиs le dйpфt des marques Artcurial, et qu’il ne correspond pas au patronyme du Dйfendeur.

Enfin, le Dйfendeur invoque inutilement les dispositions de L 714-5 du Code de la Propriйtй Intellectuelle, lesquelles concernent strictement la dйchйance des droits des titulaires de marques.

En revanche, le Requйrant est bien fondй а invoquer la rйservation et utilisation abusive, а titre de nom de domaine, de sa marque et dйnomination sociale Artcurial, а laquelle une indйniable renommйe est attachйe.

Cette usurpation est susceptible d’кtre sanctionnйe sur le fondement du droit commun de la responsabilitй civile dйlictuelle prйvue aux articles 1382 et 1383 du Code civil, s’agissant de la dйnomination sociale Artcurial, et sur le fondement de l’action spйcifique en responsabilitй civile prйvue а l’article L 713-5 du Code de la Propriйtй Intellectuelle, s’agissant de la marque Artcurial.

En l’espиce, l’Expert considиre que l’adoption du nom de domaine <artcurial.fr> est effectivement de nature а crйer un trouble manifeste, tant il est probable que l’internaute, en parvenant sur le site “www.artcurial.fr” s’attendra а y trouver des informations йmanant de la sociйtй Artcurial, cette derniиre jouissant au surplus d’une renommйe а tout le moins dans le domaine de l’art, comme l’a dйmontrй le Requйrant.

Par ailleurs, le Dйfendeur admet lui mкme s’кtre rapprochй initialement de certains dirigeants de l’activitй “ventes aux enchиres” d’Artcurial en vue de leur proposer le transfert du nom de domaine <artcurial.fr> pour la somme de 350 euros, en prйtextant s’кtre rendu compte de l’existence de la sociйtй Artcurial postйrieurement а l’enregistrement du nom de domaine litigieux.

L’expert estime au contraire que le nom de domaine litigieux a essentiellement йtй enregistrй en vue de le cйder au Requйrant, pour en tirer ainsi un profit indu de la rйservation effectuйe. Ceci est d’autant plus vraisemblable que le Dйfendeur ne fournit а aucun moment, dans ses longues observations en rйponse а la plainte, de motif crйdible justifiant du choix du nom de domaine <artcurial.fr>.

L’Expert note йgalement que la page de parking sur laquelle le site “www.artcurial.fr” renvoyait, en juillet 2004, contenait des liens vers plusieurs sites Internet, dont certains avaient pour objet la distribution d’œuvres d’art.

L’existence d’un enregistrement du nom de domaine <martineaubry.fr>, nom d’une personnalitй politique de premier plan, au nom du Dйfendeur, ne peut que contribuer а renforcer l’Expert dans ses convictions. Les explications du Dйfendeur relatives а l’existence de plus de cinquante homonymes de Martine Aubry, dans les Pages Jaunes, ne sont guиre convaincantes.

De mкme, l’Expert ne porte que peu de crйdits aux affirmations du contact administratif du Dйfendeur, selon lesquelles un homonyme serait l’auteur des messages laissйs sur un forum du prestataire Internet Amen France, concernant les consйquences de l’enregistrement de marques connues а titre de nom de domaine, йtant rappelй que le nom de domaine litigieux a prйcisйment йtй enregistrй par l’intermйdiaire d’Amen France, que les messages mentionnйs ont йtй rйdigйs en juillet 2004 (lorsque le Dйfendeur s’est adressй au Requйrant pour lui proposer la cession du nom de domaine litigieux), et qu’au moins un de ceux-ci mentionne la possibilitй de vendre le nom de domaine <artcurial.fr>. sur le site Internet “www.sedo.fr” (oщ le nom de domaine litigieux a justement йtй mis en vente).

En conclusion, l’Expert note que l’enregistrement du nom de domaine litigieux ne peut avoir йtй effectuй que de faзon dйloyale, afin de tirer indыment profit de la renommйe associйe а la marque Artcurial et а la dйnomination sociale du Requйrant. L’utilisation effectuйe par le Dйfendeur du nom de domaine litigieux, ne fait que renforcer l’Expert dans ses convictions selon lesquelles ce dernier a agi en fraude des droits du Requйrant.

B) Droits du Requйrant sur l’йlйment objet de la plainte

Le Requйrant justifie кtre titulaire de droits sur le signe Artcurial en France, tout le moins а titre de marque et de dйnomination sociale, comme il a йtй prйcisй au cours des dйveloppements prйcйdents.

Le Requйrant est ainsi fondй а solliciter la transmission а son profit du nom de domaine litigieux, en conformitй avec les dispositions de la Charte.

10. Dйcision

L’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine <artcurial.fr> portent atteinte aux droits du Requйrant, et constituent en particulier une atteinte aux rиgles de la concurrence et du comportement loyal en matiиre commerciale. Le Requйrant justifie par ailleurs кtre titulaire de droits sur la dйnomination Artcurial.

Dans ces conditions, et en application de l’article 20 c) du Rиglement, l’Expert ordonne le transfert du nom de domaine <artcurial.fr> au profit de la sociйtй Artcurial.

Martine Dehaut
Expert

Le 25 janvier 2005