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Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI
DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE
La Française des Jeux contre Mediastay - Jeune 2000 S.A.
Litige n° D2007-0065
1. Les parties
Le requérant est La Française des Jeux, Boulogne-Billancourt, France, représenté par Inlex Conseil, France.
Le défendeur est Mediastay - Jeune 2000 S.A., Jerome Balmes, Aix-en-Provence,
France, représenté par le Cabinet Guillaume Teissonniere, France.
2. Noms de domaine et unité d’enregistrement
Le litige concerne les noms de domaine :
<kingoloto.com> enregistré le 6 février 2001
<kingoloto.net> enregistré le 23 février 2005
<kingoloto.org> enregistré le 10 octobre 2005
L’unité d’enregistrement auprès de laquelle les noms de domaine
sont enregistrés est eNom, Inc.
3. Rappel de la procédure
Une plainte a été déposée par La Française des Jeux auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 17 janvier 2007.
En date du 18 janvier 2007, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement des trois noms de domaine litigieux, eNom, Inc, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige en date du 19 janvier 2007.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 23 janvier 2007, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 12 février 2007. Le défendeur a fait parvenir sa réponse au Centre le 12 février 2007.
Le 16 février 2007 le défendeur a déposé deux pièces complémentaires numérotées 23 et 24.
En date du 29 mars 2007, le Centre nommait Jean-Claude Combaldieu, Martine Dehaut et Olivier E. Itéanu comme experts dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
En application du paragraphe 11.a) des Règles d’application la présente décision est rédigée en français compte tenu notamment du fait que les deux parties résident en France. De plus les responsables et conseils des parties sont francophones de même que l’intégralité des membres de la Commission administrative.
Enfin, en application de l’article 10 des Règles d’application, et plus particulièrement du paragraphe 10.d), le Commission estime recevables les pièces complémentaires 23 et 24 déposées le 16 février 2007 par le défendeur, s’agissant de deux décisions prises par l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) le 14 février 2007, et qui ne sont que l’aboutissement d’une procédure d’opposition contradictoire déjà évoquée par le défendeur dans son mémoire du 12 février 2007 et dans ses annexes 4, 5, 6 et 7.
Quoique très tardive, mais pour des raisons d’équité, la communication
du requérant du 4 avril 2007 par courrier électronique est également prise en
considération.
4. Les faits
Le requérant est la société nationale “La Française des Jeux” qui est chargée d’organiser des loteries, jeux d’argents et paris dans le domaine sportif. Elle met ces jeux à la disposition du public sous le nom de “loto”, employé seul ou en association avec d’autres termes tels que “euro”, “super”, “foot”, etc.
Le requérant est titulaire des marques suivantes :
Marque française verbale LOTO déposée le 22 avril 1983 dans les classes 1 à 45 et enregistrée sous le n° 1 435 425.
Marque française semi figurative LOTOPHONE déposée le 8 janvier 1987 dans les classes 35, 36, 38,39 et 41 et enregistrée sous le n° 1 394 262.
Marque française semi figurative LOTO déposée le 25 mars 1999 dans les classes 1 à 42 et enregistrée sous le n° 99 782889.
Marque française semi figurative LOTO déposée le 25 mars 1999 dans les classes 1 à 42 et enregistrée sous le n° 99 782890.
Marque française verbale LOTO SURPRIZZ déposée le 2 août 2002 dans les classes 9, 16, 28 et 41et enregistrée sous le n° 02 3178019.
Marque française verbale SUPER LOTO déposée le 29 décembre 1995 dans les classes 9, 16, 28, 35, 38 et 41 et enregistrée sous le n°95 603714.
Marque française verbale LOTO déposée le 10 avril 2002 dans les classes 9,19, 35, 38 et 41et enregistrée sous le n° 02 3158601.
Marque française verbale LOTO déposée le 26 juin 2003 dans les classes 1 à 13, 16, 19 à 22, 24 à 45 et enregistrée sous le n° 03 3233275.
Marque française FRANCE LOTO déposée le 12 avril 2001 dans les classes 9, 16, 18, 25, 28, 35, 36, 38, 39 et 41et enregistrée sous le n° 2178788.
De plus le requérant a enregistré des noms de domaine entre mars 2003 et janvier 2006 contenant le terme “loto”.
De son côté le défendeur, outre les trois noms de domaine litigieux visés au
point 2 ci-dessus, a déposé le 7 mars 2006 sous le nom “Jeune 2000”
deux marques KINGOLOTO l’une verbale, l’autre semi figurative respectivement
sous les n° 03 3 414 600 et 06 3 414 601. Les classes désignées sont les classes
35, 38, 41 et 42. Ce sont ces deux marques qui ont fait l’objet d’une
procédure d’opposition devant l’INPI à l’initiative du requérant.
5. Argumentation des parties
A. Requérant
Le requérant articule sa plainte autour des trois critères classiques prévus à l’article 4.a) des Principes directeurs : identité ou similitude prêtant à confusion entre les noms de domaine et les marques antérieures, droits ou intérêts légitimes du défendeur sur les noms de domaine litigieux, enregistrement et usage de mauvaise foi.
Après avoir rappelé les marques et noms de domaine dont il est titulaire, le requérant insiste sur le fait qu’il a obtenu l’enregistrement de la marque LOTO en 2002 et 2003 pour désigner des jeux et des loteries sur la base d’une distinctivité acquise par l’usage (art. L 711-2 du Code de la propriété intellectuelle français).Cette décision est postérieure à un Arrêt de la Cour d’appel du 18 juin 2002 qui avait prononcé une annulation partielle de la marque pour manque de distinctivité à la date de dépôt (1983) et n’avait pas pris en considération la distinctivité acquise par l’usage pendant la période 1983-2002.
Un autre Arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 13 février 2004 reconnaît le caractère distinctif de la marque LOTO pour désigner des jeux.
Le requérant développe ensuite l’argument selon lequel les noms de domaine litigieux sont similaires au point de prêter à confusion avec ses propres marques.
Après avoir éliminé les extensions génériques gTLD “.com”, “.net”, “.org”, dont il n’y a pas lieu de tenir compte dans l’appréciation de la similitude, il fait valoir :
- que les noms de domaines litigieux contiennent entièrement la marque “LOTO”,
- que dans l’expression “kingoloto” que le terme “loto” est distinctif et que le mot “kingo” est descriptif de sorte que ce dernier terme n’élimine pas l’impression visuelle d’un lien du nom de domaine avec les marques du requérant.
- que les noms de domaine du défendeur, qui incorporent des droits du requérant, dirigent l’internaute vers des sites directement en concurrence avec les activités du requérant, identiques aux services couverts par les marques du requérant (notamment des jeux d’argent) et en violation du monopole d’État détenu par le requérant.
Selon le requérant le terme “kingo” se réfère manifestement au mot “king” ce qui est compris par le consommateur comme “le roi du jeu appelé LOTO”. Manifestement l’addition du mot générique “kingo” ne conduit pas à une distinction des marques du requérant. A cet égard ce dernier rappelle qu’il a enregistré les noms de domaine <euroloto.eu>, <franceloto.eu>, <petitloto.fr>, <lotosurprizz.com>.
En conclusion, le requérant affirme que les noms de domaine litigieux sont similaires au point de prêter à confusion avec les marques sur lesquelles il a des droits, notamment parce que ces noms de domaine incorporent entièrement la marque LOTO, parce que le défendeur offre des services directement concurrents, et enfin parce que l’addition d’un terme générique n’élimine pas la confusion.
Le requérant ajoute encore, que loin de réduire le risque de confusion, le mot “kingo” “exacerbe” la ressemblance en décrivant une qualité du terme dominant “loto” (le roi des lotos) comme c’est le cas pour la marque SUPERLOTO et autres noms de domaine. Le requérant produit en annexe un certain nombre de décisions et cite par exemple dans sa plainte le nom de domaine <3615loto.com> qui lui a été transféré.
Il estime qu’en réalité les trois noms de domaine litigieux ont été conçus dans l’intention d’imiter les marques de “La Française des Jeux”.
Le requérant développe ensuite ses arguments tendant à prouver que le défendeur n’a ni droits ni légitimes intérêts sur les noms de domaine litigieux.
Le requérant expose que les dépôts de marques KINGOLOTO par le défendeur (pour lesquelles le requérant a formé des oppositions devant l’INPI) couvrent les jeux d’argent. De même les noms de domaine KINGOLOTO redirigent vers un site Internet français proposant des jeux d’argent. Le requérant rappelle au passage qu’il détient un monopole d’État sur ce type de jeux.
Toutes ces activités entrent directement en concurrence avec celles du requérant. Ce dernier en conclut que le défendeur a voulu, en se servant du mot ”loto”, créer une confusion avec les activités du requérant, a voulu aussi profiter de la notoriété de ce dernier et finalement tromper le consommateur.
Le requérant souligne par ailleurs qu’il n’a jamais donné une licence ou autre type d’autorisation au défendeur (avec lequel il n’a aucune relation commerciale) pour utiliser le terme “loto”. C’est donc sans aucune justification que le défendeur a déposé les trois noms de domaine litigieux.
Le requérant insiste sur la notoriété de ses marques LOTO ou contenant le mot “loto”. Si la première marque LOTO a été déposée en 1983, ce terme est utilisé depuis 1976 c’est-à-dire depuis plus de 30 ans. Beaucoup d’efforts promotionnels ont été accomplis, les recherches sur le moteur de recherche Google attestent de cette notoriété, ainsi d’ailleurs qu’un sondage IPSOS. Des décisions des Offices de marques tels que l’INPI, l’OHMI et l’OMPI attestent de cette connaissance des marques du requérant ainsi qu’une décision d’une commission administrative dans une affaire portant sur le nom de domaine < lotofr.com>.
C’est donc avec une totale mauvaise foi que le défendeur aurait enregistré les trois noms de domaine litigieux d’autant plus qu’il habite en France tout comme le requérant. Il serait donc clair qu’il a essayé d’utiliser les marques et la réputation du requérant pour attirer les consommateurs sur son propre site et ceci à des fins lucratives.
Le requérant rappelle encore une fois qu’il détient un monopole d’État sur cette activité de jeux d’argent notamment dans l’intérêt de l’ordre public et de la protection des consommateurs. Le défendeur n’a aucune accréditation officielle et n’avait donc aucun droit légitime à réserver les trois noms de domaine litigieux.
Le requérant aborde enfin la question de l’enregistrement et de l’usage des noms de domaine de mauvaise foi.
L’évidente mauvaise foi du défendeur résulterait des faits suivants :
- le défendeur ne fait pas un usage commercial de bonne foi. Il offre sur ses sites des jeux d’argent directement en concurrence avec ceux du requérant en trompant le consommateur sur l’origine du jeu.
- Sur son site “kingoloto.com” il présente un jeu hautement similaire à celui communément connu sous le nom de “loto” : Même principe consistant à cocher six numéros sur une grille de 49 nombres. Ce site indique qu’il s’agit de la “première loterie française gratuite”.
- En fait le jeu proposé est un jeu payant (ce qui est strictement encadré au seul bénéfice de requérant sur le territoire français) car l’internaute doit confirmer son bulletin en cliquant sur une fenêtre publicitaire, les frais de participation au jeu sont générés par les coûts d’Internet, les gains sont des cadeaux vouchers, des chèques voyages, des bons d’achat, une année de salaire…et il est même proposé un système de sponsoring.
Le requérant allègue que tout ceci ne peut être considéré comme une exploitation de bonne foi des noms de domaine car il est évident que le but poursuivi est d’utiliser une marque notoire pour tromper le consommateur et l’attirer sur le site litigieux dans le seul but de faire des bénéfices commerciaux.
Le requérant a aussi tenu à préciser dans son courrier électronique du 4 avril 2007 que contrairement à ce qui est affirmé dans le mémoire du défendeur il n’y a jamais eu de partenariat publicitaire entre “La Française des Jeux” et “Jeunes 2000”. Ce partenariat a eu lieu avec “Declic” et s’est terminé en 2005. Le requérant manifeste sa surprise de voir le défendeur faire état d’un accord auquel il n’est pas partie. Il y voit une preuve supplémentaire de mauvaise foi.
De plus les trois sites litigieux ternissent la marque du requérant ce qui serait aussi un élément de mauvaise foi.
En conclusion générale le requérant demande que les trois noms de domaine <kingoloto.com>, <kingoloto.net> et <kingoloto.org> lui soient transférés.
B. Défendeur
Dans son mémoire en réponse le défendeur réfute tous les arguments du requérant.
Il traite en premier lieu de la confusion entre les marques et les noms de domaine.
Le défendeur offre des jeux de loterie gratuite depuis mai 2001 et il verse au débat un extrait de la page de garde de <kingoloto.com> datant de cette époque.
Le 7 mars 2006 le défendeur a déposé deux marques KINGOLOTO susvisées au paragraphe 4 (Les faits) notamment pour les loteries gratuites (à l’exception des jeux payants). Le 14 juin 2006 le requérant a engagé une procédure d’opposition contre ces deux marques au motif que ces dernières constituaient l’imitation de sa marque antérieure LOTO et ce pour des services identiques ou similaires.
Le directeur de l’INPI dans ses projets de décision du 20 décembre 2006 proposait de rejeter l’opposition en particulier parce qu’il n’y pas d’imitation de la marque antérieure ni de confusion possible pour le public entre les marques “LOTO” et “KINGOLOTO” et ce malgré l’identité et la similarité de certains services. Ces décisions ont été définitivement confirmées par l’INPI le 14 février 2007.
Le défendeur fait aussi valoir que le signe “loto” est un mot usuel de la langue française et qu’il y a de sérieux doutes sur la validité de la marque LOTO.
En effet un grand nombre de décisions de l’INPI et des Tribunaux ont considéré que le mot “loto” est, au mieux, faiblement distinctif (Arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 13 février 2004) et dans la plupart des décisions le dit mot est considéré comme un mot commun pour désigner des jeux ou des loteries.
En particulier le défendeur expose que la Cour d’Appel de Paris, dans son arrêt du 18 janvier 2002, a annulé la marque LOTO n° 1 435 425 pour manque de distinctivité, Arrêt qui a été confirmé par la Cour de Cassation le 28 avril 2004 (n° 02-14373) cette dernière date étant postérieure à la décision de l’INPI mentionnée par le requérant et à l’Arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 13 février 2004 reconnaissant le caractère distinctif de la marque LOTO acquis par l’usage.
La nullité est due au fait que le mot “loto” est un mot banal de la langue française pour désigner une loterie ou un jeu de chance (voir dictionnaire Le petit Robert).
Selon le défendeur, d’autres cas montrent la mauvaise foi du requérant dans son argumentation. C’est ainsi :
- que dans une opposition du requérant contre la marque LOTOTEXTO, l’INPI a conclu à l’absence de confusion au motif que le mot TEXTO est clairement distinctif pour les jeux de loterie et que la marque contestée ne pouvait pas conduire à un risque de confusion avec la marque faiblement distinctive LOTO. L’opposition a été rejetée et LOTOTEXTO a été enregistré pour les jeux d’argent (OPP 04-2033). Le problème est quasiment le même pour KINGOLOTO et le requérant ne peut sérieusement prétendre que le terme “loto” serait distinctif et le mot “kingo” descriptif pour les loteries.
- que l’idée selon laquelle le mot “kingo” serait un superlatif (comme le terme “super” dans SUPERLOTO) pour signifier “le roi des lotos” n’est pas sérieuse. Le mot “kingo”(ne pas confondre avec “King of”) n’a aucun sens en français. “kingo” s’apparente plutôt aux mots “bingo” ou “bongo”. C’est l’analyse retenue par le directeur de l’INPI dans les procédures d’opposition contre les marques du défendeur.
- Que le cas <3615loto.com> invoqué par le requérant n’est pas plus pertinent. En effet l’expression “3615” n’est absolument pas distinctive car il s’agit du code d’accès aux services minitel. Il est en quelque sorte l’équivalent du “.com” pour l’accès à l’Internet.
En conclusion le défendeur soutient que, compte tenu des observations formulées, et plus particulièrement des décisions judiciaires invoquées ci-dessus, il y a de très sérieux doutes concernant la validité de la marque LOTO.
Le défendeur fait également valoir qu’en tout état de cause, même en supposant que la marque LOTO est valable, elle est faiblement distinctive et le seul usage du mot “loto” dans les noms de domaine litigieux ne suffit pas à créer un risque de confusion avec les droits du requérant. L’INPI a rendu des décisions dans ce sens en parfait accord avec les décisions de la Cour de Cassation et de la Cour d’Appel de Paris.
Finalement les noms de domaine litigieux ne pourraient pas être considérés comme similaires au point de prêter à confusion avec les marques du requérant.
Le défendeur continue ses observations sur le problème des droits ou intérêts légitimes sur les noms de domaine.
Le défendeur offre des jeux de loterie gratuits depuis mai 2001 et il est classifié parmi les loteries gratuites les plus populaires sur son site “kingoloto.com” selon le site Nielsen/ net ratings. En conséquence, comme le mot “loto” est un mot usuel de la langue française pour désigner des loteries et que le mot “kingo” est clairement distinctif le requérant avait le droit et un intérêt légitime à utiliser les noms de domaine litigieux. Ce point de vue est confirmé par les décisions du directeur de l’INPI qui a validé les marques KINGOLOTO malgré l’opposition du requérant.
Par ailleurs, le défendeur estime que les affirmations du requérant relatives à la légalité du site du défendeur ne sont pas sérieuses. En effet les jeux proposés par le site KINGOLOTO sont entièrement gratuits (voir les Règlements de Kingoloto.com). Seuls sont interdits en France les jeux d’argent avec une dépense (contrepartie financière) mais pas les jeux gratuits (article L.121-36 du Code de la consommation) et ceci même si on gagne de l’argent. Le requérant a seulement le monopole sur les jeux où il faut miser de l’argent.
Par conséquent le défendeur aurait des droits et des intérêts légitimes pour poursuivre son activité.
Le défendeur aborde ensuite la question de la bonne foi à l’occasion de l’usage et de l’enregistrement des noms de domaine litigieux.
Depuis 2001, date du début d’exploitation du site “kingoloto.com”, le requérant connaît parfaitement son existence et même sa légalité. Bien plus, dans le cadre d’un partenariat publicitaire le site “kingoloto.com” a fait en 2005 la promotion du SUPERLOTO de “La Française des Jeux”.
Le défendeur considère que tout ceci montre bien que le requérant ne peut pas sérieusement arguer de la mauvaise foi dans l’usage et l’enregistrement des noms de domaine litigieux uniquement utilisés pour des jeux gratuits conformément à la législation française.
Allant encore plus loin le défendeur affirme que la plainte a été formulée de mauvaise foi :
- Contrairement aux affirmations du requérant les noms de domaine litigieux ne sont pas des contrefaçons des droits du requérant et ne sont pas contraires à l’ordre public français. Aucune décision ne confirme la contrefaçon et, encore une fois, ce sont des jeux gratuits compatibles avec le monopole du requérant.
- Le défendeur reprend point par point le processus des jeux gratuits et les reproches du requérant pour montrer qu’à aucun moment du processus il n’y a une infraction au principe de la gratuité.
- Les jeux proposés par Kingoloto ne sont pas identiques à ceux du requérant. Par exemple dans le cas d’une grille de nombres il n’y a pas de numéro complémentaire.
- Kingoloto n’affecte pas la réputation des jeux du requérant. C’est si vrai que dans le cadre d’un partenariat promotionnel les usagers de Kingoloto ont pu voir une publicité pour le requérant.
- Le requérant ne mentionne nulle part que le mot “loto” est un mot commun pour désigner une loterie. Il ne mentionne pas davantage les décisions provisoires de l’INPI rejetant l’opposition aux marques KINGOLOTO.
En conclusion générale le défendeur souhaite que la Commission déclare que
la plainte a été formulée de mauvaise foi et qu’elle constitue un abus
de procédure UDRP.
6. Discussion et conclusions
Le paragraphe 15(a) des Règles d’application indique à la Commission administrative les principes de base à utiliser pour se déterminer à l’occasion d’une plainte : la Commission doit décider sur la base des exposés et documents soumis selon les Principes directeurs et Règles d’application ainsi que toutes les règles ou principes légaux qui lui semblent applicables.
Appliqué à ce cas, le paragraphe 4(a) des Principes directeurs indique que le requérant doit prouver chacun des points suivants :
(i) Le nom de domaine enregistré par le défendeur est identique ou semblable au point de prêter à confusion avec la marque invoquée par le requérant; et
(ii) Le défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine enregistré, ni aucun intérêt légitime qui s’y attache; et
(iii) Le nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.
A. Identité ou similitude prêtant à confusion
Le requérant invoque l’imitation de ses marques antérieures par les trois noms de domaine litigieux et plus particulièrement de la marque LOTO.
La similitude prêtant à confusion doit être appréciée globalement en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle.
Nous observons, comme d’ailleurs le directeur de l’INPI, que le terme “kingoloto” est appréhendé comme un tout par le consommateur avec son élément d’attaque “kingo”. Rien ne permet d’isoler le mot “loto” au sein de ce nom de domaine alors surtout que le mot “kingo”, qui n’a aucun sens en français, apparaît fortement distinctif par opposition au mot “loto” qui fait partie de la langue française depuis près de deux siècles.
Nous en concluons que l’impression d’ensemble tant visuelle que phonétique et même conceptuelle ne laisse aucune place à une confusion possible entre les mots “loto” et “kingoloto”.
Le défendeur invoque la nullité de la marque LOTO en versant aux débats divers Arrêts de la Cour d’appel de Paris et de la Cour de Cassation en relevant que ce dernier arrêt est le dernier en date et confirme un Arrêt de la Cour d’Appel de Paris qui prononce la nullité de la marque LOTO.
La Commission n’est pas compétente pour commenter les décisions juridictionnelles mais elle peut constater que le mot “loto” est faiblement distinctif et que l’élément dominant est le terme “kingo”.
Le requérant fait valoir que le mot “loto” est notoire en France et que tout le monde connaît ce mot comme étant un jeu d’argent auquel on peut jouer notamment dans les “bars tabac”. Comme l’exprime l’INPI dans la procédure d’opposition, si la notoriété de la marque LOTO pour certains services n’est pas contestable, cette circonstance ne saurait suffire à engendrer un risque de confusion tant les différences visuelles et phonétiques sont importantes.
Finalement la Commission est d’avis qu’il n’y a pas de similitude prêtant à confusion entre la marque LOTO et les trois noms de domaine litigieux.
B. Droits ou légitimes intérêts
Il n’y a pas lieu d’examiner cette question dans la mesure où il est établi qu’il n’y a pas de similitude prêtant à confusion entre la marque LOTO et les trois noms de domaine litigieux.
C. Enregistrement et usage de mauvaise foi
Il n’y a pas lieu non plus d’examiner cette question pour les raisons exposées précédemment.
D. Abus de procédure
Il résulte du paragraphe 5(e) des Règles d’application
que la constatation d’un abus éventuel de procédure par la formulation
par le requérant de la plainte suppose la démonstration de la mauvaise foi au
travers des preuves documentaires fournies par les parties et des documents
échangés, le simple fait que le requérant ne réunisse pas les conditions requises
par le paragraphe 4(a) des Principes directeurs étant insuffisant pour caractériser
la mauvaise foi du requérant PRIMEDIA Special Interest Publications Inc.
c. John L. Treadway-Litige OMPI N° D2000-0752;
Britannia Building Society c. Britannia Fraud Prevention – Litige
OMPI N° D2001-0505.
En l’occurrence, la Commission administrative considère que les preuves rapportées de cette mauvaise foi alléguée du demandeur sont insuffisantes. En particulier, la Commission administrative note que la plainte du demandeur a été introduite alors que des projets de décision de l’INPI relatifs aux oppositions aux marques du défendeur n’étaient encore que provisoires. Un tel élément n’est pas suffisant pour caractériser la mauvaise foi du requérant, la décision définitive de l’INPI n’étant intervenue qu’après l’introduction de la plainte. De plus, ces décisions de l’INPI sont susceptibles d’appel devant les juridictions françaises.
La Commission administrative estime donc que l’abus de procédure UDRP
n’est pas établi.
7. Décision
Vu les paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative décide que les noms de domaine <kingoloto.com>, <kingoloto.net> et <kingoloto.org> ne sont ni identiques ni similaires au point de prêter à confusion avec les marques et autres droits du requérant “La Française des Jeux”.
En conséquence la plainte est rejetée.
La demande de constatation d’abus de procédure est également rejetée.
Jean-Claude Combaldieu
Président de la commission |
Martine Dehaut
Expert |
Olivier E. Itéanu
Expert |
Le 12 avril 2007