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Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Redcats SA contre Joseli da Costa Oliveira

Litige n° D2007-1125

1. Les parties

La requérante est la société Redcats SA, Roubaix, France, représentée par le Cabinet André R. Bertrand & Associés, France.

La défenderesse est Joseli da Costa Oliveira, Icarai-Caucai, Ceara, Brésil.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <so-redoute.com>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Schlund + Partner.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par la requérante auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 1er août 2007. La plainte était dirigée à l’encontre de Monsieur Charles Pires, à Cenon, en France.

Le 3 août 2007, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Schlund + Partner, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par la requérante. L’unité d’enregistrement a communiqué un ensemble de données du litige par e-mail du 6 août 2007. Selon les informations reçues de l’unité d’enregistrement, le titulaire du nom de domaine n’était plus Monsieur Charles Pires, mais Madame Joseli da Costa Oliveira. Le Centre a immédiatement sollicité des informations complémentaires au sujet de cette différence. Par e-mail du 8 août 2007, l’unité d’enregistrement a précisé que l’identité du titulaire avait été modifiée entre le moment où l’unité d’enregistrement a reçu la requête de vérification et celui où elle l’a traitée.

Le Centre a par ailleurs vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Le 8 août 2007, le Centre a adressé à la requérante une notification d’irrégularité de la plainte, en raison de plusieurs irrégularités dont elle était entachée, y compris le fait que la personne mentionnée comme défendeur dans la plainte n’était pas le titulaire actuel du nom de domaine. Conformément à cette notification, la requérante disposait d’un délai de cinq jours pour corriger les irrégularités relevées par le Centre. Le 9 août 2007, la requérante a communiqué au Centre un correctif à sa plainte, lequel modifiait notamment l’identité du défendeur.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 14 août 2007, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative a été adressée à la défenderesse. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 3 septembre 2007. Sur requête de la défenderesse, ce délai a été prolongé par le Centre jusqu’au 8 septembre 2007. La défenderesse a fait parvenir sa réponse le 6 septembre 2007.

En date du 21 septembre 2007, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Fabrizio La Spada. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

La Commission relève que les parties ont chacune produit une écriture supplémentaire, outre la requête et la réponse. Ainsi, le 17 septembre 2007, la requérante adressait au Centre et à la défenderesse une réplique, non sollicitée, à la réponse de la défenderesse. De son côté, celle-ci a dupliqué, par e-mail non sollicité adressé au Centre et à la requérante le 26 septembre 2007. La Commission relève que les Principes directeurs, les Règles d’application et les Règles supplémentaires ne donnent pas la possibilité aux parties de déposer de leur propre chef des écritures supplémentaires. L’article 12 des Règles d’application prévoit toutefois que, “outre la plainte et la réponse, la commission peut, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, requérir la production d’autres écritures ou pièces par les parties”. En outre, les articles 10(a) et (b) des Règles d’application disposent que la Commission conduit la procédure administrative de la façon qu’elle juge appropriée et que, dans tous les cas, elle veille à ce que les parties soient traitées de façon égale et à ce que chacune ait une possibilité équitable de faire valoir ses arguments.

La Commission considère qu’il convient de se montrer restrictif en examinant l’admissibilité d’échanges supplémentaires dont la production n’a été ni sollicitée ni autorisée par la Commission. De tels échanges peuvent toutefois être autorisés dans des circonstances particulières, notamment lorsqu’il s’agit de permettre aux parties d’exercer leur droit d’être entendues et d’être traitées de manière égale. En l’espèce, les échanges des 17 et 26 septembre 2007 concernaient la question de la modification de l’identité du défendeur et l’incidence que cette modification avait sur les conditions posées par les Principes directeurs. Dans la mesure où le transfert du nom de domaine est intervenu après le dépôt de la plainte, et qu’en conséquence la requérante ne pouvait s’exprimer à ce propos dans sa plainte, la Commission considère que les échanges supplémentaires doivent être admis à la procédure, chaque partie ayant par ailleurs pris l’initiative de s’exprimer.

4. Les faits

La requérante est une société anonyme ayant son siège à Roubaix, en France. Elle est titulaire des marques suivantes :

- marque communautaire LA REDOUTE, N° 000659151, enregistrée le 16 août1999 (date de dépôt : 3 octobre 1997) en classes internationales 1 à 42;

- marque communautaire REDOUTE, non encore enregistrée, déposée le 16 octobre 2006 en classes internationales 16, 25 et 38;

- marque française LA REDOUTE, N° 1402362, déposée le 6 avril 1987 en classes internationales 1 à 34;

- marque française REDOUTE, non encore enregistrée, déposée le 16 octobre 2006 en classes internationales 16, 25 et 38.

La requérante est également titulaire des noms de domaine <laredoute.fr>, <redoute.com>, <laredoute.com> et <redoute.fr>.

Le nom de domaine litigieux a été créé le 13 octobre 2006. Au jour du dépôt de la plainte, le 1 août 2007, le titulaire de ce nom de domaine était Charles Pires, Cenon, France. Le nom de domaine a ensuite été transféré à la défenderesse, le 6 août 2007. L’adresse indiquée par la défenderesse lors du transfert du nom de domaine était une adresse à Mimizan, France. Le nom de domaine objet de la plainte ne renvoie vers aucun site Internet.

En ce qui concerne l’utilisation du signe “Redoute” par la requérante, le dossier permet notamment de constater que celle-ci a ouvert, dès le début de l’année 2006 en tout cas, plusieurs points de vente à l’enseigne “So Redoute”. L’ouverture des magasins “So Redoute” a été accompagnée d’une importante campagne dans la presse française en 2006 et 2007. Les articles parus dans la presse en 2006 mentionnent notamment que la désignation “So Redoute” est destinée à moderniser, sous une nouvelle dénomination, l’enseigne “La Redoute”.

5. Argumentation des parties

A. Requérante

En ce qui concerne la première condition selon les Principes directeurs, la requérante prétend que sa marque LA REDOUTE est une marque qui dispose d’une exceptionnelle notoriété sur le territoire européen, et particulièrement sur le territoire français. En effet, selon la requérante, la marque LA REDOUTE est une marque faisant l’objet d’un usage de longue durée (depuis 1928), d’une activité publicitaire importante, d’une exploitation constante, massive et prospère et jouit d’une réputation de premier plan. A cet égard, la requérante relève que le Tribunal de Grande Instance de Nanterre, dans une décision rendue le 31 janvier 2000, a reconnu le caractère notoire de cette marque. Par conséquent, il convient d’apprécier strictement le risque de confusion. En l’espère, selon la requérante, le nom de domaine litigieux présente des similitudes visuelles et phonétiques évidentes avec la marque LA REDOUTE. La requérante relève que la seule différence entre sa marque et le nom de domaine réside dans la substitution du déterminant “la” par le terme “so”, lequel est parfaitement appréhendé par le public comme signifiant “tellement” en langue anglaise. Il serait ainsi indéniable que le consommateur ne pourra que considérer le nom de domaine <so-redoute.com> comme un actif de la requérante, et plus particulièrement de sa société filiale La Redoute.

En ce qui concerne la deuxième condition selon les Principes directeurs, la requérante indique que la défenderesse ne dispose d’aucun intérêt légitime dans l’enregistrement du nom de domaine litigieux. Selon la requérante, la seule motivation de la réservation du nom de domaine par la défenderesse est d’entretenir dans l’esprit du public une confusion avec la marque notoire LA REDOUTE.

Enfin, en ce qui concerne la troisième condition selon les Principes directeurs, la requérante soutient que Monsieur Pires, résidant français, ne pouvait pas ignorer l’existence de la dénomination “Redoute”, compte tenu de sa très forte notoriété sur le territoire français. En outre, selon la requérante, Monsieur Pires a en tout état de cause pris connaissance de l’ouverture d’enseignes “So Redoute”, antérieure à l’enregistrement du nom de domaine litigieux, et enregistré celui-ci en vue d’empêcher les propriétaires légitimes de la marque d’y procéder. La requérante mentionne également que Monsieur Pires aurait, par le truchement de manœuvres de pression, tenté de monnayer grossièrement le transfert du nom de domaine, en laissant supposer à la requérante l’existence de négociations avec “un opérateur sud-américain” intéressé par l’acquisition du nom de domaine.

Dans son écriture complémentaire du 17 septembre 2007, la requérante relève que la défenderesse, à qui Charles Pires a transféré le nom de domaine, a déclaré une adresse en France et ne pouvait raisonnablement ignorer la présente procédure. Selon la requérante, c’est en toute connaissance de cause que la défenderesse a décidé d’acquérir le nom de domaine, en fraude des droits de la requérante. La requérante soutient que cette attitude est constitutive de mauvaise foi, ce d’autant que la défenderesse reconnaît être pleinement consciente des droits de la requérante sur la marque LA REDOUTE au Brésil et reconnaît pleinement les ressemblances pouvant exister entre cette marque et le nom de domaine.

Pour l’ensemble de ces raisons, la requérante sollicite le transfert du nom de domaine.

B. Défendeur

Dans sa réponse, la défenderesse conteste les arguments de la requérante.

En premier lieu, la défenderesse précise que le nom de domaine litigieux, qu’elle a acheté, est prêté à titre gracieux à la société Diamantina Joias, dont elle est la gérante, et ce à des fins commerciales. Elle précise par ailleurs que cette société a enregistré au Brésil la marque “so redoute.com” dans le but “de commercialiser et de faire la propagande d’une gamme de bijoux semi-précieux et d’accessoires de mode en Amérique du Sud et principalement au Brésil”. La défenderesse relève que la requérante a déposé la marque LA REDOUTE au Brésil, mais que cette demande est toujours pendante.

La défenderesse admet “qu’il puisse y avoir une certaine ressemblance entre “La Redoute” et “so redoute.com”, comme il peut y avoir une similitude entre HONDA et HYUNDAI ou même complète pour le constructeur automobile SAMSUNG qui n’appartient pas au Conglomérat Coréen SAMSUNG”. La défenderesse considère ainsi avoir le droit d’utiliser le nom de domaine litigieux, bien distinct de “laredoute.com”.

La défenderesse insiste par ailleurs sur le fait que les domaines d’activité des parties sont différents et qu’il ne peut pas y avoir de confusion entre les entreprises.

La défenderesse argumente également ce qui suit, afin d’expliquer son choix du nom de domaine litigieux : “L’adverbe so en portugais veut dire en français seulement et la traduction du verbe portugais temer est redouté; il s’agit pour moi d’associer les deux langues et de préciser que ma marque sera dans le futur redoutée, reconnue”. La défenderesse insiste sur le fait que si elle était obligée de changer de nom de domaine, cela signifierait l’arrêt immédiat de son activité commerciale et lui causerait un grand préjudice.

Selon la défenderesse, si la requérante attachait réellement de l’importance au nom de domaine litigieux, elle l’aurait enregistré elle-même.

La défenderesse répète qu’elle a acheté le nom de domaine litigieux en toute bonne foi dans l’intention de l’utiliser à des fins commerciales pour la vente de ses produits et non dans le but de détourner les clients de la requérante. Elle précise que son site Internet est prêt à fonctionner et à être ouvert, mais qu’elle ne fera le “transfert de serveur” que si la décision dans le cadre du présent litige lui est favorable.

Enfin, la défenderesse indique qu’elle n’a en aucun cas enregistré le nom de domaine litigieux pour le revendre à la requérante, qu’elle ne connaissait d’ailleurs pas avant d’être impliquée dans cette procédure. Elle précise à ce sujet qu’elle n’a que 23 ans et que sa culture générale est plutôt axée sur le Brésil et l’Amérique du Sud.

Enfin, la défenderesse indique qu’elle n’a pas l’intention de se lancer dans la vente par correspondance ou par catalogue, ni par Internet, activité qui nécessite une logistique qu’elle n’a pas à sa disposition.

Dans son écriture complémentaire du 26 septembre 2007, la défenderesse indique qu’elle n’avait pas connaissance des contacts entre la requérante et Monsieur Pires, dont elle n’a été informée que par la lettre de la requérante du 17 septembre 2007. Elle explique qu’elle a été contrainte d’utiliser une adresse en France pour acquérir le nom de domaine, parce que le registre n’acceptait pas d’adresse étrangère. Elle confirme cependant qu’elle réside au Brésil.

6. Discussion et conclusions

Selon le paragraphe 4(a) des Principes directeurs, afin d’obtenir gain de cause dans cette procédure et obtenir le transfert du nom de domaine, la requérante doit prouver que chacun des trois éléments suivants est satisfait :

1. Le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle la requérante a des droits (voir ci-dessous, section A); et

2. La défenderesse n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache (voir ci-dessous, section B); et

3. Le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi (voir ci-dessous, section C).

Le paragraphe 4(a) in fine des Principes directeurs indique qu’il appartient au requérant d’apporter la preuve que ces trois éléments sont réunis.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Cette condition soulève deux questions : (1) la requérante a-t-elle des droits sur une marque de produits ou de services et (2) le nom de domaine est-il identique ou semblable à cette marque au point de prêter à confusion?

Concernant la première question, la requérante a démontré qu’elle est titulaire de marques verbales LA REDOUTE, enregistrées en France et en tant que marque communautaire en 1987 et 1999 respectivement.

Concernant la seconde question, l’expert constate que le nom de domaine n’est pas identique à la marque de la requérante. Il est en revanche extrêmement similaire, dans la mesure où la seule différence consiste en la particule “so” à la place de l’article “la”, ainsi que la présence d’un trait d’union. La Commission considère que la présence du terme “so” en lieu et place de signe “la” ne permet pas de distinguer le nom de domaine de la marque de la requérante au point d’éviter un risque de confusion (voir également Redcats SA contre Eric Vaudon, Litige OMPI No. D2007-1126). La Commission relève également que le risque de confusion est accru par le fait que la marque de la requérante peut être considérée comme une marque notoire, ainsi que l’a jugé un tribunal français. En outre, la requérante a démontré utiliser les termes “so redoute” à titre d’enseigne.

La Commission relève que le fait que la défenderesse envisage d’utiliser le nom de domaine en relation avec des produits et/ou services différents de ceux pour lesquels les marques de la requérante sont enregistrées n’est pas pertinent au regard de la première condition posée par les Principes directeurs.

La Commission considère par conséquent que le nom de domaine est similaire au point de prêter à confusion à la marque de la requérante.

B. Droits ou intérêts légitimes

La requérante affirme que la défenderesse n’a aucun droit sur le nom de domaine, ni d’intérêt légitime s’y rapportant. La défenderesse soutient quant à elle qu’elle a acquis le nom de domaine afin de l’utiliser à des fins commerciales, pour vendre des produits. Elle indique également que le choix du nom est lié, en particulier, à la volonté d’associer ce nom à l’idée que sa marque serait “redoutée, reconnue”.

Selon le paragraphe 4(c) des Principes directeurs, un défendeur peut prouver ses droits sur un nom de domaine et les intérêts légitimes qui s’y attachent en démontrant l’une des circonstances ci-après :

“i) avant d’avoir eu connaissance du litige, vous [défendeur] avez utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des préparatifs sérieux à cet effet;

ii) vous [défendeur] (individu, entreprise ou autre organisation) êtes connu sous le nom de domaine considéré, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services; ou

iii) vous [défendeur] faites un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.”

Dans le cas d’espèce, la défenderesse a exposé qu’elle envisageait d’utiliser le nom de domaine, par l’intermédiaire de sa société Diamantina Joias, afin de faire le commerce de bijoux et d’accessoires de mode en Amérique du Sud et en particulier au Brésil. Elle a indiqué à cet égard qu’elle avait développé un site Internet prêt à fonctionner et n’attendait que le résultat de la présente procédure pour faire le “transfert de serveur”. La défenderesse n’a toutefois produit aucun élément probant permettant d’étayer ses allégations. Il ne ressort en outre pas des explications de la défenderesse que les produits qu’elle entend commercialiser seraient offerts sous le signe “so redoute”, ni que les “préparatifs sérieux” qu’elle allègue avoir entrepris seraient en rapport avec ce nom.

Par ailleurs, la défenderesse n’a apporté aucun élément laissant apparaître qu’elle, ou son entreprise, serait connue sous le nom de domaine. A cet égard, la Commission relève que le nom de domaine ne correspond ni ne ressemble au nom de la défenderesse ou à celui de sa société, Diamantina Joias. La défenderesse a allégué qu’elle avait déposé, au Brésil, la marque “so redoute.com”. Elle n’a toutefois produit aucune pièce attestant de ce fait, que la Commission n’est pas parvenue, malgré ses recherches dans le registre des marques brésilien, à vérifier indépendamment. Il n’existe enfin aucun élément au dossier établissant que la défenderesse aurait utilisé le nom “so redoute”, de quelque manière que ce soit, avant le dépôt de la plainte.

La défenderesse a par ailleurs clairement exposé qu’elle entendait faire un usage commercial du nom de domaine. Elle ne peut par conséquent se prévaloir de la circonstance décrite au paragraphe 4(c)(iii) des Principes directeurs.

Pour ces motifs, la Commission considère que la défenderesse n’a pas de droits ou d’intérêts légitimes à utiliser le nom de domaine.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

La requérante soutient que la défenderesse a enregistré le nom de domaine de mauvaise foi. Dans sa requête, qui était dirigée contre Charles Pires, ancien titulaire du nom de domaine, elle ne se prononce bien entendu pas sur la mauvaise foi de la défenderesse. Elle indiquait toutefois que Monsieur Pires, résident français, ne pouvait ignorer la notoriété des marques de la requérante, ainsi que l’ouverture par celle-ci d’enseignes “So Redoute”. Dans son écriture complémentaire du 17 septembre 2007, la requérante allègue que c’est en toute connaissance de cause que la défenderesse a décidé d’acquérir le nom de domaine, en fraude des droits de la requérante.

La défenderesse explique en revanche avoir acquis le nom de domaine de bonne foi, dans l’intention de l’utiliser à des fins commerciales légitimes, et sans connaissance des droits – par ailleurs contestés au Brésil – de la requérante.

A titre préliminaire, la Commission relève que le nom de domaine a été enregistré par Charles Pires, résident français, le 13 octobre 2006. D’après les informations fournies par l’unité d’enregistrement, c’est lui qui était titulaire du nom de domaine au moment du dépôt de la plainte, et c’est d’ailleurs lui contre qui la plainte était initialement dirigée. Monsieur Pires a ensuite, quelques jours après le dépôt de la plainte, procédé au transfert du nom de domaine à la défenderesse. En réponse à la plainte, qui lui a été notifiée par le Centre, il s’est limité à répondre: “I’m sorry because there is a mistake I don’t have any domain named so-redoute.com please check sincerely Charles PIRES”. Ces faits sont constitutifs de ce que la jurisprudence relative aux Principes directeurs désigne sous le terme “cyberflying” (voir, par exemple, British Broadcasting Corporation v. Data Art Corporation / Stoneybrook, Litige OMPI No. D2000-0683; BolognaFiere S.p.A. v. Currentbank-Promotools, SA. Inc/Isidro Sentis a/k/a Alex Bars, Litige OMPI No. D2004-0830; Jagex Limited v. Jagex Ltd c/o Domain Administrator, Litige NAF FA0975548).

Un tel transfert est contraire aux Principes directeurs, dont l’article 8 prévoit ce qui suit: “Vous ne pouvez pas transférer l’enregistrement de votre nom de domaine à un autre détenteur i) pendant qu’une procédure administrative visée au paragraphe 4 est en instance et pendant les quinze (15) jours ouvrables (selon la pratique constatée au lieu de notre principal établissement) suivant la clôture de cette procédure […]”. Plusieurs commissions administratives ont d’ailleurs considéré que le cyberflying pouvait constituer un indice de mauvaise foi au sens des Principes directeurs (voir par exemple Fifth Third Bancorp v. Secure Whois Information Service, Litige OMPI No. D2006-0696; Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG v. Domains by Proxy, Inc. and Vladimir Putinov, Litige OMPI No. D2004-0311).

La Commission constate qu’en l’espèce, le nom de domaine a été transféré par Monsieur Pires à la défenderesse après le dépôt de la plainte, mais avant l’ouverture de la procédure administrative par le Centre. La Commission considère toutefois, comme l’ont fait d’autres commissions, que ce transfert est contraire à l’article 8 des Principes directeurs, qui doit trouver application dès le dépôt de la plainte (voir notamment British Broadcasting Corporation v. Data Art Corporation / Stoneybrook, Litige OMPI No. D2000-0683; Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG v. Domains by Proxy, Inc. and Vladimir Putinov, Litige OMPI No. D2004-0311 et décisions citées).

La Commission relève cependant que Monsieur Pires, titulaire du nom de domaine au moment du dépôt de la plainte, et qui est à l’origine du transfert, n’est pas partie à la présente procédure. En effet, à la suite de la notification d’irrégularité de la plainte adressée par le Centre à la requérante, celle-ci n’a pas simplement ajouté Madame Joseli da Costa Oliveira comme seconde défenderesse; elle a au contraire modifié sa plainte pour ne plus la diriger que contre Madame Joseli da Costa Oliveira. Or, la mauvaise foi du titulaire précédant ne peut sans autre être imputée à l’acquéreur du nom de domaine, qui pourrait l’avoir acquis de bonne foi (voir par exemple CompuCredit Corporation, CompuCredit Intellectual Property Holdings Corporation III v. Domain Capital and Aspire Prints, Litige OMPI No. D2007-0407). Il est par conséquent nécessaire d’examiner si, indépendamment du comportement de Monsieur Pires, la défenderesse est de mauvaise foi au sens des Principes directeurs (voir XM Satellite Radio Inc. v. Michael Bakker, Litige NAF FA0861120).

La Commission considère, au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, que la défenderesse a enregistré (en l’occurrence obtenu le transfert) du nom de domaine de mauvaise foi et se propose de l’utiliser de mauvaise foi. Les pièces produites par la requérante démontrent en effet que sa marque LA REDOUTE est notoirement connue, à tout le moins en France. En outre, ces pièces établissent que l’ouverture par la requérante de points de vente à l’enseigne “So Redoute” a fait l’objet d’une importante campagne de presse, en France, dès 2006. On peut par conséquent retenir que la défenderesse avait connaissance de cette marque lors de son acquisition, ce d’autant qu’elle n’offre aucune explication documentée sur les raisons qui l’auraient poussée à choisir ce nom de domaine, qui n’est pas un terme descriptif et ne correspond ni à son nom ni à celui de la société pour laquelle elle entend l’utiliser. La Commission relève que la défenderesse, qui a communiqué pour elle-même une adresse au Brésil et a allégué dans sa réponse ne pas avoir de liens avec la France, a en réalité indiqué, comme sa propre adresse de contact, une adresse en France. La Commission considère que la notoriété de la marque de la requérante dans ce pays peut ainsi lui être opposée. Enfin, la Commission constate que les affirmations de la défenderesse selon lesquelles elle n’aurait appris les contacts entre la requérante et Charles Pires qu’à la lecture de la lettre de la requérante du 17 septembre 2007 ne correspondent pas à la réalité, dans la mesure où elle a été informée de ces contacts à réception de la plainte et de ses annexes, au mois d’août 2007.

Pour l’ensemble de ces motifs, la Commission considère que la condition posée par les Principes directeurs est réalisée.

7. Décision

Conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, l’expert ordonne que le nom de domaine <so-redoute.com> soit transféré à la requérante.


Fabrizio La Spada
Expert Unique

Le 17 octobre 2007

 

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