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Centre d’arbitrage et de mйdiation de l’OMPI

 

DЙCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Vente-Privee.com contre Mawuna Koutonin

Litige n° DTV2008-0002

 

1. Les parties

Le Requйrant est Vente-Privee.com, Saint-Denis, France, reprйsentй par Cabinet Degret, France.

Le Dйfendeur est M. Mawuna Koutonin, Paris, France.

 

2. Nom de domaine et unitй d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <vente-privee.tv>.

L’unitй d’enregistrement auprиs de laquelle le nom de domaine est enregistrй est GoDaddy.com, Inc.

 

3. Rappel de la procйdure

Une plainte a йtй dйposйe par Vente-Privee.com auprиs du Centre d’arbitrage et de mйdiation de l’Organisation Mondiale de la Propriйtй Intellectuelle (ci-aprиs dйsignй le “Centre“) en date du 15 janvier 2008.

En date du 15 janvier 2008, le Centre a adressй une requкte а l’unitй d’enregistrement du nom de domaine litigieux, GoDaddy.com, Inc., aux fins de vйrification des йlйments du litige, tels que communiquйs par le Requйrant. L’unitй d’enregistrement a confirmй l’ensemble des donnйes du litige en date du 15 janvier 2008.

Le Centre a vйrifiй que la plainte rйpond bien aux Principes directeurs rйgissant le Rиglement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-aprиs dйnommйs “Principes directeurs“), aux Rиgles d’application des Principes directeurs (ci-aprиs dйnommйes les “Rиgles d’application“), et aux Rиgles supplйmentaires de l’OMPI (ci-aprиs dйnommйes les “Rиgles supplйmentaires“) pour l’application des Principes directeurs prйcitйs.

Conformйment aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Rиgles d’application, le 21 janvier 2008, une notification de la plainte valant ouverture de la prйsente procйdure administrative, a йtй adressйe au dйfendeur. Conformйment au paragraphe 5(a) des Rиgles d’application, le dernier dйlai pour faire parvenir une rйponse йtait le 10 fйvrier 2008. Le dйfendeur a fait parvenir sa rйponse le 9 fйvrier 2008.

En date du 22 fйvrier 2008, le Centre nommait dans le prйsent litige comme expert unique Martine Dehaut. La Commission administrative constate qu’elle a йtй constituйe conformйment aux Principes directeurs et aux Rиgles d’application. La Commission administrative a adressй au Centre une dйclaration d’acceptation et une dйclaration d’impartialitй et d’indйpendance, conformйment au paragraphe 7 des Rиgles d’application.

Le Requйrant a adressй des observations additionnelles au Centre le 13 fйvrier 2008. Par communication du 3 mars 2008, l’Expert a octroyй un dйlai supplйmentaire au Dйfendeur pour rйagir aux observations additionnelles du Requйrant. Le Dйfendeur a effectivement complйtй ses observations par йcrit du 10 mars 2008.

Sur proposition du Requйrant, et avec l’assentiment du Dйfendeur, le franзais a йtй adoptй comme langue de procйdure, conformйment au paragraphe 11 a) des Rиgles d’application des Principes Directeurs.

Dans la prйsente espиce il est nйcessaire, prйalablement а l’exposй des faits et des moyens des parties, de revenir sur plusieurs incidences soulevйes par les parties.

 

4. Questions prйliminaires

Le Centre et l’Expert ont йtй saisis sur diffйrentes questions de procйdure tenant

- а l’admissibilitй des observations additionnelles adressйes par le Requйrant

- а la dйtermination du domicile du Dйfendeur

- au choix de l’Expert par le Centre

- а l’impartialitй et а l’indйpendance de l’Expert pour dйcider cette affaire

Ces йlйments font l’objet des dйveloppements ci-aprиs.

A) Admissibilitй des observations additionnelles adressйes par le Requйrant

Le Requйrant a adressй des observations complйmentaires au soutien de sa plainte et a demandй а ce que l’Expert en tienne compte.

Conformйment aux points a) et d) du paragraphe 10 des Rиgles d’application des Principes Directeurs, l’Expert conduit la procйdure de la faзon qu’il juge appropriйe.

En l’espиce, dans la mesure oщ la rйponse du Dйfendeur soulиve de nombreuses questions de droit et de fait, dont certaines ne pouvaient кtre anticipйes – telle que la dйtermination de son domicile – il est parfaitement appropriй d’admettre la recevabilitй des observations complйmentaires du Requйrant. De fait, la majoritй des dйcisions rendues par les commissions administratives en application des Principes Directeurs reconnaissent l’admissibilitй des observations additionnelles dans de telles circonstances (en ce sens, De Dietrich Process Systems v. Kemtron Ireland Ltd, Litige OMPI No. D2003-0484).

Toutefois, afin de garantir une parfaite йquitй entre les parties, l’Expert a invitй le Dйfendeur а rйagir а ces observations complйmentaires et lui a imparti un dйlai а cet effet, ainsi que le lui autorise le paragraphe 12 des Rиgles d’application des Principes Directeurs. Le Dйfendeur a effectivement saisi l’opportunitй qui lui йtait offerte pour rйagir aux nouvelles observations du Requйrant.

B) Dйtermination du domicile du Dйfendeur

Dans sa rйponse, le Dйfendeur indique qu’il n’est pas de nationalitй franзaise mais togolaise, pays dans lequel il rйside. Il ajoute que l’adresse figurant sur le whois du nom de domaine litigieux а Paris est une adresse temporaire dans le cadre de ses fonctions statutaires au sein d’une organisation internationale.

La dйfinition de l’adresse du Dйfendeur est en l’espиce une question essentielle, et ce fondamentalement pour deux raisons : elle est d’une part invoquйe de faзon rйcurrente par le Dйfendeur pour contester le choix de l’Expert. Elle est d’autre part susceptible de jouer un rфle important dans l’йvaluation du bien-fondй de la plainte, et notamment de l’apprйciation d’une йventuelle mauvaise foi du Dйfendeur.

(i) Arguments des parties concernant la dйtermination du domicile du Dйfendeur

Le Dйfendeur expose dans sa rйponse а la plainte qu’il “n’est pas domiciliй en France et n’est pas de nationalitй franзaise. Il dispose d’une adresse temporaire (а Paris) dans le cadre de ses fonctions statutaires au sein d’une organisation internationale qui bйnйficie d’un statut consulaire, avec protection et immunitй diplomatique accordйe dans le pays de siиge“.

A cet йgard, le Dйfendeur a prйcisй notamment que “le Dйfendeur n’a jamais fait valoir son immunitй dans l’intention de se soustraire а la procйdure. […] Le Dйfendeur fait valoir son statut de fonctionnaire йtranger dans une organisation internationale et surtout fait rйfйrence aux droits et devoirs attachйs а ce statut pour faire connaоtre а la commission son adresse de plein droit. […]. Le Dйfendeur est juridiquement incapable de constituer sur le territoire de chalandise du Requйrant une activitй commerciale ou professionnelle. […] Le Dйfendeur affirme n’exercer а ce jour aucune activitй commerciale ou professionnelle en vue d’un gain personnel dans l’Etat accrйditaire.“

Dans sa communication du 10 mars 2008, le Dйfendeur a souhaitй que le Centre et l’Expert tiennent compte d’une nouvelle adresse dans la ville de Sиvres en France, uniquement aux fins des envois postaux et de la procйdure administrative.

Le Requйrant demande quant а lui а l’Expert de tirer les consйquences qui s’imposent d’un renseignement erronй du domicile du Dйfendeur dans la base de donnйes Whois, dans la mesure oщ un tel agissement “constitue une preuve supplйmentaire de sa mauvaise foi“.

(ii) Apprйciation de l’Expert

De toute йvidence, et ainsi que le reconnaоt le Dйfendeur, la rйservation et l’usage du nom de domaine litigieux ne relиvent nullement de ses activitйs statutaires au sein d’une organisation internationale. En tout йtat de cause, en enregistrant ledit nom de domaine, le Dйfendeur a expressйment acceptй de se soumettre, le cas йchйant, а une procйdure UDRP.

Le Dйfendeur expose que l’adresse mentionnйe lors de la rйservation du nom de domaine litigieux est uniquement temporaire, son domicile rйel йtant au Togo.

L’Expert relиve toutefois que, conformйment au paragraphe 2 des Principes directeurs, il appartient au titulaire d’un nom de domaine de fournir des donnйes complиtes et exactes le concernant lors de la rйservation d’un nom de domaine. Le Dйfendeur est seul responsable de l’indication de son domicile lors de l’enregistrement d’un nom de domaine, et il lui appartient d’en assumer les consйquences, notamment dans le cadre d’une йventuelle procйdure administrative.

Ainsi qu’il en a la facultй, l’Expert a effectuй quelques vйrifications concernant le Dйfendeur, et a relevй une sйrie d’informations pertinentes pour dйterminer son domicile rйel. Certains des йlйments mentionnйs ci-aprиs ont йgalement йtй invoquйs par le Requйrant dans sa plainte, justificatifs а l’appui.

En premier lieu, le Dйfendeur est titulaire des noms de domaine suivants :

- <linkcrafter.com> enregistrй le 22 avril 2004, <wecheese.com> enregistrй le 27 avril 2004, et <notre-afrique.com>, enregistrй le 2 octobre 2005. Pour ces trois noms de domaine, enregistrйs pour les plus anciens depuis bientфt quatre ans, le Dйfendeur a indiquй кtre domiciliй а la mкme adresse а Paris.

- <quoi2neuf.com> enregistrй le 20 septembre 2002, et pour lequel l’adresse indiquйe par le Dйfendeur est rue Bernos, Lille.

En second lieu, le Dйfendeur est titulaire des cinq marques franзaises suivantes, dйposйes par ses soins et indiquant son domicile а Paris :

- NOTRE QUARTIER No. FR05 3 363 069 du 3 juin 2005;

- WECHEESE WE SHARE THE CHEESE No. FR 05 3 363 070 du 3 juin 2005;

- MON QUARTIER No. FR 05 3 363 072 du 3 juin 2005;

- CHEQUE QUARTIER No. FR 05 3 363 073 du 3 juin 2005;

- CHEQUE BON VOYAGE No. FR 05 3 373 292 du 29 juillet 2005.

En troisiиme lieu, plusieurs biographies et curriculum vitae du Dйfendeur sont disponibles en ligne, dont il ressort notamment :

- Que le Dйfendeur se dйfinit comme йtant un “spйcialiste du geo-local sur Internet“, basй sur Paris en tant que “chef d’entreprise“ et responsable du site Linkcrafter. “Le geo-local sur Internet est un sujet qui me passionne depuis plusieurs annйes et j’en ai fait ma spйcialitй а ce jour“. Ses domaines de prйdilection sont le “webdesign, web-marketing, innovation, management, focused brandstorming“ (voir le lien http://www.6nergies.net/people/115742-mawuna-koutonin-specialiste-du-geo-local--sur-internet);

- Que le Dйfendeur est йgalement responsable du site de rencontres Wecheese;

- Que le Dйfendeur prйsente sur divers sites sa biographie comme suit : “passionnй par les nouvelles technologies et les risques qui en sont associйs, je dйveloppe depuis 97 des outils de mise en relations des gens, de networking social et de protection des personnes dans l’utilisation de ces technologies. Le site de networking social wecheese que j’ai dйveloppй connaоt un grand succиs grвce surtout а son design et les outils innovants de sйcuritй et de modйration mis en place. J’offre aussi des prestations de web design et de e-marketing а travers Linkcrafter“ (voir les liens suivants : http://www.ziki.com/fr/wecheese?gclid=CJy1qfLv6ZECFQcguwodSBp_Ww; http://www.wikio.fr/user3826; http://www.linkedin.com/pub/1/79a/b92).

L’Expert rappellera que le nom du site Wecheese gйrй par le Dйfendeur a fait l’objet d’un dйpфt de marque en France, а son nom et avec l’indication d’un domicile parisien. De mкme, le Dйfendeur mentionne dans les liens ci-dessus qu’il est йtabli а Paris.

En d’autres termes, il ressort des йlйments mis а disposition par le Dйfendeur lui-mкme, sur l’Internet, que celui-ci est bien йtabli en France, depuis un peu plus de dix ans, et qu’il y exerce de surcroоt une activitй йconomique en sa qualitй de responsable de plusieurs sites Internet, depuis Paris.

En aucun cas le domicile parisien du Dйfendeur peut кtre qualifiй de temporaire.

Dans ces conditions, l’Expert confirme que le Dйfendeur est effectivement domiciliй en France, et ce depuis plusieurs annйes, et prend acte de la requкte de ce dernier de recevoir toute correspondance concernant cette procйdure а son adresse а Sиvres, France.

C) Choix de l’Expert

Par communications des 22, 25, 29 fйvrier, 3, 10, 11, 12, 13, 14 et 15 mars 2008, le Dйfendeur a manifestй son dйsaccord sur le choix opйrй par le Centre pour dйsigner l’Expert dans cette affaire. Le Requйrant ne s’est pas exprimй sur cette question.

(i) Arguments dйveloppйs par le Dйfendeur

Le Dйfendeur s’йtonne du choix d’un Expert de nationalitй franзaise, alors que l’une des parties, la sociйtй requйrante Vente-Privee.com, est de nationalitй franзaise, et que lui-mкme est togolais et domiciliй au Togo. Il relиve а plusieurs reprises qu’un tel choix pourrait “йlever des suspicions“, et ce compte tenu notamment de la “nature du capitalisme parisien“.

Dans une premiиre rйponse adressйe aux parties le 28 fйvrier 2008, le Centre a indiquй avoir pris en considйration essentiellement “le lieu de rйsidence avйrй des deux parties“. En rйponse а cette prйcision, le Dйfendeur a rappelй qu’il n’йtait pas domiciliй en France, et qu’il ne disposait dans ce pays que d’une “adresse temporaire avec immunitйs diplomatiques“.

Le Dйfendeur a йgalement indiquй ce qui suit dans un autre message : “Le Dйfendeur souhaite avoir copie des йchanges et messages reзus (а propos du choix de l’Expert) de Madame Dehaut afin de porter des contre-arguments si nйcessaires. Il y va de la transparence du processus et de crйdibilitй de l’OMPI. Le Dйfendeur rendra toutes informations publiques si nйcessaires pour attirer l’attention du public sur la transparence du Centre de Mйdiation de l’OMPI“.

Dans une autre communication, le Dйfendeur rappelle qu’il “considиre comme non йquitable et non justifiйe la nomination de Madame Dehaut pour juger le litige en cours vu les conditions et circonstances йvidentes […] de prйfйrence nationale des franзais pour les franзais et la nature particuliиrement nationaliste du capitalisme franзais et des pratiques commerciales parisiennes“.

Enfin, dans sa communication datйe du 12 mars 2008, le Dйfendeur a notamment fait rйfйrence aux critиres normalement retenus par l’OMPI pour dйsigner des intermйdiaires neutres, parmi lesquels est inclus le critиre de “nationalitй ou identitй des parties et de leurs reprйsentants“, avant de se demander si le Centre a couramment pour pratique de contourner le principe de neutralitй. Le Dйfendeur a йgalement demandй que lui soit communiquй l’identitй de la personne qui, au sein du Centre, a effectuй le choix de l’Expert dans la prйsente affaire. Le 14 mars 2008 le Centre a rйpondu а la communication du Dйfendeur en indiquant “qu’aucun argument valide n’avait йtй prйsentй justifiant la nomination d’un autre expert pour le prйsent litige.” Le 15 mars 2008 le Dйfendeur a rйpondu au Centre en copiant cet Expert rйitйrant ses critiques concernant la procйdure de nomination de l’Expert.

(ii) Apprйciation de l’Expert

Indйpendamment de la virulence dйplacйe de ses propos, le Dйfendeur est lйgitimement en droit de s’interroger sur la pratique suivie par le Centre pour nommer l’Expert dans ce litige.

Le Dйfendeur reproche en substance au Centre d’avoir dйsignй un Expert de nationalitй franзaise alors que l’une des parties seulement, en l’espиce le Requйrant, est de nationalitй franзaise, et que de nombreux autres Experts sont francophones sans pour autant кtre franзais.

A cet йgard, l’Expert relиve en premier lieu que le critиre de nationalitй des parties, auquel il est fait rйfйrence sur le site web de l’OMPI, concerne les arbitres et les mйdiateurs dans le cadre des procйdures d’arbitrage et de mйdiation. Il ne s’applique pas aux procйdures UDRP qui, rappelons-le, ne sont pas des procйdures d’arbitrage ou mйdiation et sont spйcifiquement rйglementйes par les Principes directeurs et les Rиgles d’application (en ce sens, voir Idйes et Patentes S.A.R.L. contre Institut National de la Propriйtй Industrielle, Litige OMPI No. D2007-1760 et Hesco Bastion Limited contre The Trading Force Limited, Litige OMPI No. D2002-1038). De fait, sur un plan strictement pratique, il convient de tenir compte du fait que les personnes physiques et morales n’indiquent pas leur nationalitй lors de la rйservation de noms de domaine gйnйriques.

En second lieu, si le Centre dйsigne habituellement des Experts domiciliйs dans un pays tiers lorsque les parties sont domiciliйes dans des Etats diffйrents, il dйsigne en revanche un Expert rйsidant dans le mкme pays que les parties, si celles-ci sont domiciliйs dans le mкme territoire. Une telle pratique est amplement justifiйe par la possibilitй offerte aux parties de compter sur un Expert ayant une bonne connaissance notamment du territoire de rйfйrence et des pratiques commerciales du territoire de rйfйrence. A cet йgard, l’Expert relиve par exemple que le Dйfendeur fonde largement sa dйfense sur le droit franзais des marques et sur une abondante jurisprudence des tribunaux franзais. Or, il peut кtre pertinent que l’Expert ait une bonne connaissance du droit invoquй, mкme si ses incidences sont limitйes dans le cadre de cette procйdure.

Dans un cas comme dans l’autre, la pratique du Centre tient compte du critиre de rйsidence des parties. En l’espиce, et ainsi qu’il a йtй rappelй ci-dessus, tant le Requйrant que le Dйfendeur sont domiciliйs en France. De fait les critiques formulйes par le Dйfendeur а l’encontre du choix du Centre sont d’autant plus malvenues que ce dernier a dйlibйrйment tentй de tromper le Requйrant, le Centre et l’Expert sur son domicile rйel, ainsi qu’il a йtй rappelй ci-dessus.

Dans ces conditions, le choix de l’Expert, dont le nom figure sur la liste rendue publique par le Centre, est conforme au paragraphe 6 b) des Rиgles d’application.

De mкme, le Centre n’est en aucun cas tenu de divulguer le nom de la ou les personne(s) ayant arrкtй le choix de l’Expert. Il n’est pas inutile de rappeler, а cet йgard et compte tenu йgalement des insinuations de divulgation au public de pratiques prйtendument partiales du Centre, que conformйment au paragraphe 20 des Rиgles d’application, l’OMPI et la commission administrative sont “dйgagйs de toute responsabilitй а l’йgard des parties en ce qui concerne tous actes ou omissions en rapport avec une procйdure administrative conduite en vertu des prйsentes rиgles“, et ce “sauf en cas d’action fautive dйlibйrйe“. De toute йvidence, il n’y a eu en l’espиce aucune infraction dйlibйrйe aux Principes Directeurs et aux Rиgles d’application.

D) Impartialitй et indйpendance de l’Expert

Dans les communications mentionnйes au point C) ci-dessus, le Dйfendeur a йgalement йmis des rйserves sur ‘impartialitй et l’indйpendance de l’Expert pour йmettre une dйcision dans cette affaire’. Le Requйrant ne s’est pas exprimй non plus sur cette question.

(i) Arguments dйveloppйs par le Dйfendeur

Le Dйfendeur a expressйment fait part de ses “suspicions non nйgligeables“ concernant l’impartialitй de l’Expert. A l’appui de ses propos, il a exposй les йlйments suivants :

D’une part, L’Expert aurait omis de dйclarer au Centre un conflit d’intйrкt dans le cadre d’une prйcйdente affaire, identifiйe sous la rйfйrence LES ECHOS contre KLTE Ltd, Litige OMPI No. DFR2005-0012, alors que ledit Expert est intervenu dans le cadre d’une confйrence organisйe par le Requйrant dans ce contentieux.

D’autre part, l’Expert est membre du mкme organisme professionnel que le mandataire du Requйrant dans la prйsente espиce, а savoir la Compagnie Nationale des Conseils en Propriйtй Industrielle. Le Dйfendeur en dйduit notamment des liens de connivence potentielle entre l’Expert et le mandataire du Requйrant.

Enfin, du fait du “nationalisme des franзais“, l’Expert risque d’avoir un prйjugй favorable au Requйrant.

Le Dйfendeur a dиs lors demandй а ce que l’Expert se dessaisisse de ce dossier.

(ii) Apprйciation de l’Expert

Au mкme titre que la question relative au choix de l’Expert, les parties ont lйgitimement le droit de faire valoir toute inquiйtude relative а l’impartialitй de l’Expert. Elles sont en droit d’obtenir une rйponse prйcise а leurs allйgations sur cette question, et ce quand bien mкme aucune procйdure ad hoc n’est prйvue dans les Principes directeurs. Il est essentiel que la procйdure UDRP soit conduite dans le respect de normes d’йquitй, avec des Experts indйpendants des parties, et impartiaux.

Sur la question de l’impartialitй et de l’indйpendance de l’Expert, le paragraphe 7 des Rиgles d’application dispose que “tout membre d’une commission doit кtre impartial et indйpendant et, avant d’accepter sa nomination, doit faire connaоtre а l’institution de rиglement toute circonstance de nature а soulever un doute sйrieux sur son impartialitй ou son indйpendance […].

Trиs rares sont les dйcisions qui, а ce jour, se sont penchйes sur la question de l’impartialitй de l’Expert. La commission administrative saisie dans l’affaire Britannia Building Society contre Britannia Fraud Prevention, Litige OMPI No. D2001-0505, a retenu trois critиres pouvant justifier un dessaisissement de l’Expert : d’une part si l’une des parties dйmontre un prйjugй ou parti pris а l’encontre de l’une des parties, d’autre part si le rйsultat de la plainte peut avoir des incidences financiиres pour l’Expert, et enfin si l’Expert a reprйsentй prйalablement une des parties, ou un tiers а l’encontre de l’une des parties. La commission administrative saisie dans cette affaire a йgalement ajoutй qu’une demande de dessaisissement doit кtre fondйe sur des preuves spйcifiques, et ne peut reposer sur de simples insinuations.

En l’espиce l’Expert n’a, ni avant le dйpфt de la plainte, ni depuis, eu de contact personnel ou professionnel avec les parties, et est de fait parfaitement indйpendant de celles-ci.

Concernant la procйdure LES ECHOS contre KLTE Ltd, Litige OMPI No. DFR2005-0012 et la non divulgation d’un prйtendu conflit d’intйrкt de l’Expert, les allйgations du Dйfendeur sont manifestement infondйes. Il suffira а cet йgard de relever que la participation de l’Expert а la confйrence mentionnйe par le Dйfendeur est intervenue deux ans aprиs cette procйdure.

Le moyen tirй de l’appartenance du mandataire du Requйrant et de l’Expert а un mкme ordre professionnel est tout autant infondй. Le mandataire du Requйrant et l’Expert sont tous deux conseils en propriйtй industrielle. Cette profession est rйglementйe et son statut et la dйontologie sont notamment rйgis en France par la loi 90-1052 du 26 novembre 1990 et le dйcret 92-360 du 1 avril 1992. Le Dйfendeur se contente d’insinuer qu’il existe une connivence entre l’Expert et le mandataire du Requйrant, sans apporter d’йlйments concrets. Dans l’affaire United Services Automobile Association contre Ang Wa Assoc, Litige OMPI No. D2004-0535, la commission administrative a estimй que le statut commun de Queen’s Counsel du mandataire de l’une des parties et de l’Expert ne justifiait pas un dйsistement. Dans l’affaire Britannia Building Society contre Britannia Fraud Prevention, Litige OMPI No. D2001-0505, susmentionnйe, la commission administrative a estimй que l’Expert ne saurait кtre dessaisi, ou se dйsister, du seul fait de sa condition d’avocat de droit des affaires, et de l’existence d’une succursale de son Cabinet а Londres, ville oщ йtait domiciliй le requйrant de l’une des parties. Enfin, dans l’affaire Rosa Montero Gallo contre Galileo Asesores S.L., Litige OMPI No. D2000-1649, la commission administrative a refusй de se dessaisir compte tenu de la qualitй d’Expert auprиs du Centre du mandataire de l’une des parties.

Quant au prйtendu nationalisme des franзais, il s’agit lа d’une apprйciation purement subjective dont l’Expert laisse la seule responsabilitй au Dйfendeur, et qui en tout йtat de cause ne saurait кtre prise sйrieusement en compte.

En dйfinitive, aucun des йlйments avancйs par le Dйfendeur ne permet de justifier un йventuel dessaisissement ou dйsistement de l’Expert.

 

5. Les faits

Le Requйrant exploite un site Internet crйй en 2000 et dйdiй а la vente йvиnementielle de produits de marques. Ce site a acquis en quelques annйes une notoriйtй incontestable, ainsi qu’en attestent les nombreux documents et coupures de presse versйs а la plainte. L’Expert retient notamment que :

Le blog implantй dans le site web du Requйrant est la plus visitй de France, avec plus de 100.000 visiteurs par mois;

Le site du Requйrant est visitй par plus de 3.000.000 de visiteurs par mois (nombre de visiteurs uniques);

Une franзaise sur deux frйquente le site “www.vente-privee.com”;

En fйvrier 2006, le site “www.vente-privee.com” comptait parmi les 20 sites marchands les plus visitйs en Europe;

Toutes catйgories confondues, le site du Requйrant est le 24^e site franзais le plus visitй;

Prиs de 2,5 millions de personnes йtaient inscrites sur le site “www.vente-privee.com” en mai 2006;

Le chiffre d’affaires du Requйrant s’est йlevй, en 2006, а prиs de 230 millions d’euros.

La sociйtй Vente-Privee.com est notamment titulaire des droits de marque suivants :

VENTE PRIVEE.COM, marque franзaise dйposйe le 17 dйcembre 2003, enregistrйe sous le n° 03/3.263.431 ;

VENTE-PRIVEE.COM, marque franзaise dйposйe le 14 octobre 2004, enregistrйe sous le n° 04/3.318.310 ;

VENTE-PRIVEE, marque franзaise dйposйe le 23 novembre 2005, enregistrйe sous le n° 05/3.393.310 ;

VENTE-PRIVEE.COM, FAITES-VOUS INTERDIRE, marque franзaise dйposйe le 13 juillet 2006, enregistrйe sous le n° 06/3.440.679 ;

VENTE-PRIVEE.COM, marque communautaire dйposйe le 18 octobre 2004, enregistrйe le 28 novembre 2005 sous le n° 004.079.554 ;

VENTE-PRIVEE.COM, marque communautaire dйposйe le 24 octobre 2006 sous le n° 005.413.018, en cours d’enregistrement.

Elle dйtient йgalement un certain nombre de noms de domaine suivants, via lesquels les internautes peuvent accйder а son site, а savoir notamment : <vente-privee.com>; <venteprivee.com; <vente-privee.fr; <vente-privee.net; <vente-privee.eu>.

Le Dйfendeur a enregistrй le nom de domaine litigieux le 7 janvier 2007. Les internautes accйdant а ce site sont renvoyйs а un site de parking.

Il n’y a pas eu d’йchange entre les parties prйalable а l’introduction de la plainte.

 

6. Argumentation des parties

Les parties ont fait valoir des arguments trиs dйveloppйs, et ont adressй une documentation volumineuse au soutien de leur cause. Leur argumentation peut кtre rйsumйe comme suit.

A. Requйrant

Concernant la comparaison des signes, le Requйrant estime que le nom de domaine litigieux est quasiment identique aux marques antйrieures qu’il dйtient. Il ajoute que l’expression “vente-privee“ constitue leur йlйment essentiel et dominant. La sociйtй Vente-Privee.com ajoute que les extensions propres aux noms de domaine sont “nйcessairement dйpourvues de caractиre distinctif“.

Concernant les йventuels droits dйtenus par le Dйfendeur sur l’expression VENTE-PRIVEE, le Requйrant indique avoir effectuй quelques recherches – sur les bases de donnйes de marques franзaises notamment – qui n’ont pas permis de relever de droits sur l’expression VENTE PRIVEE au nom du Dйfendeur. Il ajoute qu’il n’a pas autorisй le Dйfendeur а rйserver ou exploiter le nom de domaine litigieux, notamment par le biais d’une licence, et que le Dйfendeur n’a “jamais formй de rйclamation а l’encontre de l’exploitation de la dйnomination VENTE-PRIVEE.COM par le Requйrant“.

Sur la question de l’intйrкt lйgitime du Dйfendeur а enregistrer et exploiter le nom de domaine litigieux, le Requйrant estime que ce dernier n’effectue ni un usage lйgitime, ni un usage loyal dudit nom de domaine, en invoquant que celui-ci pointe vers un site comprenant des liens hypertextes publicitaires, notamment vers le site de la sociйtй 24H00, concurrent du Requйrant. Par ailleurs, le nom de domaine incriminй ne serait pas utilisй en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services.

Le Requйrant observe ainsi :

- que le nom de domaine, pourtant rйservй il y a plus d’un an, n’hйberge toujours pas de contenu propre et rйel;

- que l’expression “vente-privee” est distinctive, puisque “l’expression consacrйe pour dйsigner le type de ventes organisйes par le Requйrant (est) ‘vente йvиnementielle’“.

Sur le chapitre de la mauvaise foi, le Requйrant expose notamment :

- Que le Dйfendeur fait un usage commercial et lucratif du nom de domaine litigieux via une page de parking, que l’exploitation de ce nom de domaine “opиre nйcessairement un dйtournement des internautes“, que “compte tenu de la quasi identitй entre le nom de domaine litigieux et les marques du Requйrant, d’une part, et de la proximitй des activitйs des parties а cette procйdure, d’autre part, il existe nйcessairement un risque de confusion entre les activitйs des parties а ce litige”.

- Que, selon lui, “il est probable que les coordonnйes du Dйfendeur renseignйes dans la base de donnйes Whois soient erronйes“.

- Que “la notoriйtй des droits du Requйrant empкche le Dйfendeur d’avoir pu prйserver et exploiter le nom de domaine litigieux sans avoir eu connaissance de ces droits“;

- Que “le Dйfendeur ne peut d’autant moins ignorer les droits du Requйrant et les consйquences de ses agissements qu’il se prйsente lui-mкme comme un spйcialiste de l’Internet.

- Que “l’enregistrement et l’exploitation du nom de domaine litigieux perturbent les opйrations commerciales du Requйrant.”

B. Dйfendeur

L’Expert a dйjа rappelй une partie des arguments exposйs par le Dйfendeur dans ses diffйrentes communications liйes aux questions prйliminaires relatives а ce litige. Concernant concrиtement les йlйments sur lesquels l’Expert doit fonder sa dйcision, le Dйfendeur expose essentiellement ce qui suit.

Sur la question de la confusion entre le nom de domaine incriminй et une marque sur laquelle le Requйrant a des droits, le Dйfendeur expose :

- Que les droits invoquйs par Vente-Privee, et leur notoriйtй prйsumйe, sont limitйs а un territoire restreint, France ou Europe tout au plus, et n’ont pas de portйe mondiale;

- Qu’en application du principe de spйcialitй, le Requйrant ne saurait opposer des droits limitйs а certaines activitйs а l’encontre d’activitйs distinctes. Le Dйfendeur projette d’exploiter son nom de domaine dans le domaine audiovisuel, domaine pour lequel les marques du Requйrant ne sont ni protйgйes ni exploitйes;

- Que la langue franзaise est parlйe dans 55 pays et que, par consйquent, l’utilisation du franзais dans le site incriminй n’est pas uniquement rйservй а la France;

- Que le pointage du nom de domaine vers un site de parking n’йquivaut pas а une exploitation dudit site. Sur ce point le Dйfendeur invoque entre autres dйcisions judiciaires franзaises un arrкt de la cour de cassation de 2005 au terme duquel “la rйservation d’un nom de domaine en soi, sans utilisation rйelle de ce nom de domaine, ne constitue pas un acte de contrefaзon“, et en conclut que “s’il n’y a aucun site actif, la comparaison ne peut se faire et la notion de risque de confusion est inopйrante“;

- Que les juridictions franзaises ont йcartй l’existence d’actes de contrefaзon dans plusieurs conflits impliquant des droits de marque et des noms de domaines – affaires Issytv, Locatour et Saveurs –, en йcartant notamment la possibilitй d’invoquer uniquement des droits de marque antйrieurs visant des services de tйlйcommunication, en classe 38. Dans ces diffйrentes dйcisions, les juges ont rappelй de tenir compte du contenu effectif des sites incriminйs;

- Que le Requйrant “n’a jamais dйfendu de faзon systйmatique un droit d’usage exclusif de l’expression ‘vente-privee’ sur son territoire de chalandise“. A cet йgard le Dйfendeur cite une trиs longue liste de noms de domaine comprenant l’expression “vente privee“ (ou semblable), ou de sites utilisant le slogan “vente-privee“ ou utilisant cette expression а titre de marque et de mots clйs sponsorisйs, et non liйs а la sociйtй Vente-Privee.com.

- Que le Requйrant lui-mкme a des doutes sur la possibilitй d’invoquer des droits exclusifs sur l’expression “vente privee“ prise isolйment, ainsi qu’il ressort d’un article versй au dossier;

- Qu’une “action en nullitй est en cours contre le Requйrant […] au motif que le signe “vente-privee“ ne remplit pas les conditions requises pour constituer une marque valable“;

Sur la question de ses droits et intйrкts lйgitimes, le Dйfendeur indique :

- Qu’il travaille sur un projet audiovisuel dont le nom de domaine incriminй sera le support;

- Qu’il ne peut lui кtre reprochй de n’avoir pas exploitй un nom de domaine enregistrй depuis seulement un an;

Enfin, sur la question de la mauvaise foi, le Dйfendeur prйcise :

- Que le nom de domaine litigieux a йtй parquй chez le Registrar GoDaddy dans l’attente de son exploitation;

- Que l’extension naturelle de la marque VENTE-PRIVEE.COM en .tv doit кtre vente-privee.com.tv;

- Que “l’enregistrement d’un nom de domaine est en lui-mкme neutre, de mкme que l’est le support que constitue un site Internet; en l’espиce, il n’est pas йtabli que l’enregistrement du nom de domaine litigieux concerne les services pour lesquels la protection de la marque est revendiquйe, voire des services similaires“.

- Qu’il “ignore la notoriйtй du Requйrant sur son territoire de chalandise ou dans son secteur d’activitй“;

- Que, “vu le caractиre non ambigu de l’extension .tv (clairement destinйe а un type prйcis d’activitй), de la disponibilitй de cette extension depuis plusieurs annйes dйjа, vu le non intйrкt manifeste du Requйrant pour cette extension durant toutes ces annйes et du fait aussi de l’absence d’activitй rйelle ou prouvйe du Requйrant dans le secteur de l’audiovisuel, […] la Commission retiendra que le Dйfendeur ne viole aucun droit antйrieur du Requйrant, mкme s’il avait connaissance de l’activitй et de la notoriйtй du Requйrant“;

- Qu’au moment du litige, il “ne saurait кtre en mesure de dйvelopper une activitй commerciale sur le territoire de chalandise du Requйrant йtant donnй qu’il en est juridiquement incapable“, et ce du fait de son statut particulier mentionnй prйcйdemment;

- Que “ce litige est une pure construction thйorique de la part du Requйrant, trиs peu fondй sur des faits, des preuves et des rиgles de droits et de jurisprudence applicables, mais plutфt une simple sйrie d’allйgations infondйes, d’affirmations approximatives avec comme seule motivation l’obsession du profit et de prйdation sauvage par dйtournement des voies et moyens d’arbitrage. Le Dйfendeur se rйserve le droit de demander ultйrieurement rйparations des dommages subis comme suite а ce qu’il considиre comme un abus de procйdure de la part du Requйrant“.

 

7. Discussion et conclusions

Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au Requйrant d’apporter la preuve que les trois conditions suivantes sont rйunies cumulativement :

- Le nom de domaine est identique ou semblable au point de prкter а confusion, а une marque de produits ou de services sur laquelle le Requйrant a des droits,

- Le Dйfendeur ne dispose d’aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intйrкt lйgitime qui s’y attache,

- Le nom de domaine est enregistrй et utilisй de mauvaise foi.

Chacun de ces points sera examinй ci-aprиs а la lumiиre des arguments des parties.

A. Identitй ou similitude prкtant а confusion

Il convient, en premier lieu, de corriger une mйprise du Dйfendeur concernant le droit applicable au prйsent litige. Le Rиglement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine est une procйdure sui generis adoptйe par l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), et l’Expert doit statuer sur la prйsente plainte uniquement en application des Principes directeurs et des Rиgles d’application. Concrиtement, il appartient а l’Expert de dйterminer si le Requйrant a dйmontrй que les trois critиres rappelйs ci-dessus sont rйunis.

Ceci sans prйjudice de rйfйrences а des lйgislations nationales, par exemple pour statuer sur l’existence d’un droit de marque invoquй par l’une des parties (voir en ce sens l’affaire, Sopal society contre Packalpha, Litige OMPI No. D2004-0568). Mais, en tout йtat de cause, il n’appartient pas а l’Expert de statuer sur l’existence d’йventuels actes de contrefaзon en application d’une lйgislation nationale.

Concernant plus particuliиrement le critиre d’identitй ou de confusion du nom de domaine litigieux avec les marques antйrieures du Requйrant, la seule application des Principes directeurs implique :

- Qu’il est indiffйrent que le Requйrant soit titulaire d’un seul ou de nombreux droits de marque, dans un seul ou dans de nombreux territoires. Aucun critиre de territorialitй n’est applicable sur ce point;

- Qu’il est indiffйrent que les marques du Requйrant soient enregistrйes pour une catйgorie ou une autre de produits et services;

- Que sont sans incidence sur l’application de ce critиre les dйcisions de justice franзaises citйes par le Dйfendeur en matiиre de contrefaзon de droits de marque sur l’Internet;

- Qu’il est indiffйrent que le nom de domaine litigieux ait йtй enregistrй sous l’extension .TV, destinйe au secteur de l’audiovisuel. De fait, il convient de prйciser que l’extension .TV correspond lйgalement non pas а une activitй, mais а un pays, le Tuvalu.

En l’espиce, le Requйrant a dйmontrй кtre titulaire de droits de marque portant sur le signe VENTE-PRIVEE.COM ou VENTE-PRIVEE. Les marques jointes а la plainte ont йtй dйposйes avant la rйservation du nom de domaine litigieux.

Le Dйfendeur mentionne dans ses йcritures que la marque franзaise VENTE-PRIVEE du Requйrant fait actuellement l’objet d’une demande en nullitй, sur laquelle il semblerait que la juridiction saisie n’ait pas encore statuй. L’Expert ne dispose d’aucun йlйment sur le dйroulement de cette procйdure, mais considиre que l’existence d’une telle action n’est pas dйterminante en l’espиce, dans la mesure notamment oщ la sociйtй Vente-Privee.com dispose d’autres droits de marque portant sur le signe VENTE-PRIVEE.COM (avec, le cas йchйant, des йlйments figuratifs). De fait, mentionnant l’existence de cette procйdure, la commission administrative saisie dans l’affaire Vente-Privee.com contre Switch, Litige OMPI No. DFR 2007-0029 a estimй qu’ “il est […] indiffйrent qu’une procйdure devant les juridictions judiciaires franзaises ait йtй engagйe puisque, au jour de l’enregistrement des noms de domaine litigieux, les signes distinctifs du Requйrant n’avaient pas fait l’objet d’une annulation prononcйe par une dйcision de justice ayant autoritй de la chose jugйe“.

Concernant la comparaison des signes, l’Expert estime qu’est inexacte l’affirmation du Requйrant selon laquelle l’extension de premier niveau d’un nom de domaine serait “nйcessairement dйpourvue de caractиre distinctif“. Cela est effectivement gйnйralement le cas, mais une analyse au coup par coup s’impose. Il suffira, pour s’en convaincre, de rappeler а titre d’illustration une dйcision rendue par les chambres de recours de l’Office de l’Harmonisation dans le Marchй Intйrieur (OHMI), organisme chargй de l’enregistrement des marques communautaires, dans une affaire impliquant les marques LASTMINUTE.COM et LAST MINUTE TOUR. Par arrкt du 8 fйvrier 2007, cet organisme a considйrй que la distinctivitй йlevйe attachйe а la marque antйrieure concernait l’expression LASTMINUTE.COM prise dans son ensemble, et non l’expression LASTMINUTE seule.

En l’espиce, au vu des nombreux documents versйs au dossier, l’Expert estime que le Requйrant a essentiellement dйmontrй la notoriйtй de l’expression VENTE-PRIVEE.COM prise dans son ensemble, et non de l’expression VENTE-PRIVEE prise isolйment. Cette constatation est confortйe par le choix mкme de la dйnomination sociale du Requйrant, Vente-Privee.com.

Nonobstant cette prйcision, l’Expert estime qu’il existe une similitude de nature а prкter confusion entre le nom de domaine <vente-privee.tv> et les marques VENTE-PRIVEE.COM et VENTE-PRIVEE. Cette similitude tient d’une part а la reprise а l’identique de l’expression “vente-privee”, dont les termes sont associйs par un tiret, et d’autre part а l’adjonction d’un nom de domaine de premier niveau.

B. Droits ou lйgitimes intйrкts

Le paragraphe 4(c) des Principes directeurs йnumиre de maniиre non-exhaustive un certain nombre de circonstances de nature а йtablir les droits ou l’intйrкt lйgitime du dйfendeur sur le nom de domaine telles que :

(i) avant d’avoir eu connaissance du litige, le dйfendeur a utilisй le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des prйparatifs sйrieux а cet effet,

(ii) le dйfendeur (individu, entreprise ou autre organisation) est connu sous le nom de domaine considйrй, mкme sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services, ou

(iii) le dйfendeur fait un usage non commercial lйgitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention de dйtourner а des fins lucratives les consommateurs en crйant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.

Concernant les йventuels droits ou intйrкts lйgitimes du Dйfendeur sur le nom de domaine litigieux, la sociйtй Vente-Privee.com a mentionnй avoir effectuй diverses vйrifications n’ayant pas permis d’aboutir а une telle constatation.

Comme il est habituel dans les procйdures UDRP, les difficultйs liйes а la probatio diabolica mettent а la charge du dйfendeur la dйmonstration de l’existence d’un droit ou intйrкt lйgitime sur le nom de domaine litigieux.

Le Dйfendeur mentionne а juste titre qu’il ne peut lui кtre reprochй de n’avoir pas exploitй le nom de domaine litigieux dans une pйriode d’un an suivant son enregistrement. Ce laps de temps ne peut кtre qualifiй d’anormalement long.

En revanche, le Dйfendeur n’a pas justifiй d’un quelconque droit – dйpфt de marque par exemple – ou intйrкt lйgitime sur le nom de domaine litigieux. Mкme s’il йtait exact que le Dйfendeur prйpare un projet audiovisuel - ce qui reste а dйmontrer –, il n’explique pas la nature du lien entre ledit projet et l’enregistrement du nom de domaine <vente-privee.tv>.

Concernant l’argument selon lequel l’intйrкt lйgitime du Dйfendeur pourrait кtre dйduit du caractиre prйtendument gйnйrique de l’expression “vente-privee”, l’Expert prйcise qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur cette question et que, comme l’a rappelй la commission administrative dans l’affaire Litige OMPI No. DFR2007-0029 rappelйe prйcйdemment, la marque VENTE-PRIVEE йtait en vigueur au moment de la rйservation du nom de domaine litigieux, dans le territoire de rйsidence du Dйfendeur.

Dans ces conditions, l’Expert constate que le Dйfendeur n’a pas йtй en mesure de remettre en cause les affirmations du Requйrant selon lesquelles il ne dispose pas de droits ou intйrкts lйgitimes sur le nom de domaine litigieux.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Selon le paragraphe 4(b) des Principes directeurs, la rйalisation de l’une des circonstances suivantes est susceptible d’йtablir que le nom de domaine a йtй enregistrй et utilisй de mauvaise foi :

i ) les faits montrent que le dйfendeur a enregistrй ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de cйder d’une autre maniиre l’enregistrement de ce nom de domaine au requйrant qui est le propriйtaire de la marque de produits ou de services, ou а un concurrent de celui-ci, а titre onйreux et pour un prix excйdant le montant des frais qu’il peut prouver avoir dйboursй en rapport direct avec ce nom de domaine,

ii) le dйfendeur a enregistrй le nom de domaine en vue d’empкcher le propriйtaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et est coutumier d’une telle pratique,

iii) le dйfendeur a enregistrй le nom de domaine essentiellement en vue de perturber les opйrations commerciales d’un concurrent, ou

iv) en utilisant ce nom de domaine, le dйfendeur a sciemment tentй d’attirer, а des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un espace Web ou autre site en ligne lui appartenant, en crйant une probabilitй de confusion avec la marque du requйrant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de son espace ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposй.

Ainsi qu’il a йtй rappelй prйcйdemment, le Dйfendeur rйside en France depuis plusieurs annйes. Par ailleurs le Dйfendeur est, de toute йvidence, un grand expert dans le domaine de l’Internet. Il gиre diffйrents sites de qualitй, tient un blog et participe а des forums tenus а Paris concernant l’Internet (organisйs par exemple par Lycos ou Google). Ses connaissances couvrent de nombreux aspects du commerce en ligne, du design jusqu’au e-marketing.

Aussi, le Dйfendeur avait nйcessairement connaissance du site “www.vente-privee.com“ lors de l’enregistrement du nom de domaine <vente-privee.tv>, compte tenu de la notoriйtй grandissante de ce site parmi les internautes, et de sa croissance spectaculaire. Peu de crйdit peut кtre attribuй aux indications du Dйfendeur en sens contraire.

Concernant la question de l’exploitation du nom de domaine litigieux, la seule application des Principes directeurs а la prйsente espиce implique que sont indiffйrentes les rйfйrences а la notion d’exploitation d’un site Internet dans la jurisprudence franзaise. Or, sur cette question, il existe un consensus entre les commissions administratives pour considйrer qu’il peut exister un usage de mauvaise foi quand bien mкme un nom de domaine n’est pas actif (voir а cet йgard la fameuse dйcision Telstra Corporation Limited contre Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003).

En tout йtat de cause, le Dйfendeur peut difficilement prйtendre que le nom de domaine <vente-privee.tv> n’est pas exploitй en l’espиce dans la mesure oщ celui-ci permet aux internautes d’accйder а une page de parking hйbergйe par le Registrar Go Daddy, et offrant а ceux-ci divers liens commerciaux.

Le Dйfendeur ne nie pas que la page de parking offre comme premier lien un accиs vers le site 24H00, principal concurrent de la sociйtй Vente-Privee.com en France. Il ne nie pas non plus que ce site soit disponible en franзais, ce qui constitue un indice supplйmentaire de mauvaise foi.

Il affirme en revanche qu’il n’est nullement responsable du contenu de ce site, et qu’il ne touche aucun revenu en profitant du systиme de pay-per-click.

Dans la prйsente espиce, il n’est pas nйcessaire pour l’Expert de trancher le dйbat ouvert entre les parties concernant les conditions dans lesquelles la page de parking est exploitйe et les revenus qu’elle est susceptible de gйnйrer pour le titulaire du nom de domaine.

Il suffit en effet de relever que, conformйment а la jurisprudence des commissions administratives, le Dйfendeur ne peut valablement se dйcharger de sa responsabilitй concernant les liens offerts sur le site, lesquels concernent l’activitй du Requйrant et de ses concurrents. Le titulaire du nom de domaine est le premier responsable du contenu du site dont il est titulaire, quand bien mкme une tierce personne (ou un programme informatique) s’est chargйe de choisir les liens commerciaux. Ce point de vue est dйfendu notamment dans les dйcisions NVT Birmingham, LLC d/b/a CBS 42 WIAT-TV contre ZJ, Litige OMPI No. D2007-1079, Grundfos A/S contre Texas International property Associates, Litige OMPI No. D2007-1448, Starwood Hotels & Resorts Worldwide, Inc., Sheraton, LLC, and Sheraton International Inc. v. Jake Porter, Litige OMPI No. D2007-1254, Grisoft, s.r.o. contre Original Web Ventures Inc., Litige OMPI No. D2006-1381 et l’Expert s’y associe pleinement.

Le Dйfendeur ne peut ignorer que, au mкme titre que les nombreux clients de la sociйtй Vente-Privee.com accиdent а ses services par le biais des noms de domaines <vente-privee.com>, <venteprivee.com>, <vente-privee.fr>, <vente-privee.net>, <vente-privee.be>, <vente-privee.eu>, ils sont йgalement susceptibles de recourir au nom de domaine <vente-privee.tv>, ou а tout le moins de croire que ce nom de domaine est liй а l’activitй du Requйrant.

L’attitude de le Dйfendeur dans le cadre de cette procйdure illustre йgalement sa mauvaise foi : ce dernier a dйlibйrйment tentй de tromper le Centre, le Requйrant et l’Expert sur son domicile exact, а longueur de communications, afin notamment qu’il ne puisse lui кtre reprochй d’avoir eu connaissance du fameux site “www.vente-privee.com”.

Pour ces motifs, l’Expert considиre que le Dйfendeur a bien agi de mauvaise foi lors de la rйservation et de l’usage du nom de domaine litigieux, en perturbant notamment les opйrations commerciales de la sociйtй Vente-Privee.com, du fait du risque de confusion crйй et du dйtournement potentiel d’utilisateurs vers des sites concurrents.

Le Requйrant a dйmontrй que les trois conditions mentionnйes au paragraphe 4(b) des Principes directeurs sont rйunies, et dans ces conditions il y a lieu de faire droit а sa demande.

 

8. Dйcision

Pour les raisons mentionnйes ci-dessus, et en application du paragraphe 4(b) des Principes directeurs, il est fait droit а la plainte et l’Expert ordonne le transfert du nom de domaine <vente-privee.tv> au profit du Requйrant.

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Martine Dehaut
Expert Unique

Le 17 mars 2008